Nouvelles de malhuin
Re: Nouvelles de malhuin
je te l'achète quand tu veux ton livre mal' !


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Re: Nouvelles de malhuin
Premier jet du chapitre 16 (la version finale devrait être 30 % plus longue avec plus de "chair sur le squelette" )
Chapitre 16
La grande place de Toulovo accueillait un camp de réfugiés venus de l’est du pays, voire de la Valachie. Certains avaient marché pendant des semaines pour arriver là. Epuisés, ils se tenaient recroquevillés autour de tentes de fortunes, où tendaient les mains vers les feux de camp qui illuminaient la nuit.
Pourtant deux hommes venaient d’installer un échiquier entre eux. Ils ne parlèrent pas, se contentant de bouger les pièces. Ce manège singulier attira l’attention de plusieurs de leurs compagnons d’infortunes. Les occasions de se divertir étaient rares et une petite foule se rassembla pour les regarder jouer.
Ils ne firent pas attention aux mouvements des lèvres des deux hommes, occupés à tisser un puissant sortilège.
Virgile ferma un instant les yeux, le temps de se remémorer un souvenir heureux… Mais, à ce compte-là, il pourrait bientôt appeler « souvenir heureux » n’importe quel moment antérieur à sa rencontre avec ces deux insupportables gamines.
- Donc, au lieu de joindre vos efforts, vous avez décidé de faire chacune votre propre double cercle ?
Comme Serin se redressait avec cette expression de fierté blessée, qu’il commençait à connaître, et que Mi-Chan prenait une profonde inspiration, Virgile jeta un charme de silence.
Pendant une dizaine de secondes elles se livrèrent une pantomie muette puis comprirent qu’on ne les entendait pas. Le mage sourit et dissipa son sortilège. Avant qu’elles n’aient le temps de se relancer, Virgile prit la parole.
- Je me fiche éperdument de savoir qui est la responsable. Donnez-moi vos ébauches !
Vexées de n’avoir pu se donner en spectacle, la comtesse démoniaque et la fillette elfe tendirent leur ouvrage en se défiant du regard. Le mage saisit une feuille dans chaque main et les jaugea en alternance.
Les deux filles attendaient le verdict, considérant que le moment était venu de gagner quelques points sur leur rivale. Virgile se leva sans un mot et déchira les deux feuillets avant de les jeter au feu.
- Mais pourquoi…
- Eh ! C’est mon travail que vous…
Le vieux magistère se retourna.
- Il suffit !
La fillette elfe quitta son siège.
- Vous n’êtes pas capable de créer un double cercle d’invocation et de transmutation. Comme pouvez-vous condamner mon travail ?!
- Après trente ans à travailleur la démonologie, je peux vous assurer que je peux reconnaître un cercle défectueux lorsque j’en vois un. Et aucun de vos doubles cercles ne peut fonctionner. Alors vous retournez en salle d’étude et vous recommencez… à zéro. Et cette fois, vous me présenterez une seule ébauche. Compris ?
Virgile avait rarement été aussi en colère. Il avait beau parler d’une voix égale, Serin grimaça d’un air contrit. Tout à sa dispute avec Mi-Chan, la démone avait perdu de vue l’objectif de leurs travaux. Il s’agissait de sauver Even de la menace qu’elle constituait pour lui. Serin était trop orgueilleuse pour reconnaître ses torts, mais pas assez bête pour rester sur une position indéfendable.
La comtesse d’Absang se leva et ouvrit la porte avant de se retourner.
- Mi-Chan, nous avons du travail, vient !
Le camp de réfugié était à présent silencieux, mis à part les bruits de respirations nocturnes. Mais sous la petite tente qu’ils se partageaient deux individus ne dormaient pas, ils feignaient seulement. Ils se relevèrent doucement, l’oreille tendue et s’entre-regardèrent. L’un d’eux eut un bref signe de tête et souleva le pan de tissu qui les séparait de la nuit.
L’homme encapuchonné fit un signe de la main, accompagné d’une incantation. La nuit s’illumina de flammes bleu-noires qui formèrent une rune éphémère. Derrière lui, le deuxième homme avait commençait une mélopée. Il tira plusieurs bourses de sous sa cape, les poussières scintillantes qu’elles contenaient lui servirent à dessiner un pentacle sur le sol.
Dans les tentes, des hommes ensorcelés par le jeu d’échec des porteurs de capuche se levèrent à l’appel de la rune brûlante. Leur démarche incertaine, leurs gestes maladroits réveillèrent d’autres réfugiés. Des murmures et des appels s’élevèrent. Cependant, les envoutés ne se détournèrent pas de leur chemin. Ils entourèrent le pentacle. Cinq d’entre eux se postèrent sur l’extrémité de chacune de ses branches. Tendis que son assistant continuait ses incantations, le premier porteur de capuche plongea sa main dans sa manche pour en tirer un poignard d’aspect hideux couvert d’ergots.
Les murmures des réfugiés se transformèrent en cris d’horreur lorsque le mage noir arracha le cœur du premier ensorcelé à l’aide de sa lame maudite. Alors que le corps s’effondrait sans un cri, il brandissait l’organe vers le ciel en murmurant une incantation. Il y eut un flash et sa main se retrouva vide tandis qu’une flamme violine apparaissait dans l’air à la verticale du pentacle.
Mi-Chan se frotta les yeux et bailla.
- Je peux aller me coucher ? je devrais être couché depuis longtemps…
Serin se mordit la lèvre. Son premier réflexe avait été de répondre avec son acidité coutumière, mais un regard à la petite fille lui suffit pour changer d’idée. La fillette semblait sur le point de s’endormir sur le coin de la table.
- D’accord… on va… Qu’est-ce que…
Serin se retourna. La démone frissonna sans s’apercevoir que sa peau se hérissait de chair de poule. Elle tendit la main et appela « Ombrelune ». Un cimeterre se matérialisa entre ses doigts sa pointe se tendit vers une forme ténébreuse qui se condensait dans un angle de la pièce.
- Qui es-tu ?
Un jeune homme presque androgyne sorti des vapeurs noirs et tomba un genou à terre, une main sur le cœur.
- Damoiselle Serin, vous êtes en danger. Vous devez me suivre, très vite. Des ennemis sont entrés dans la ville et ils ont commencé un rituel pour ouvrir une porte vers Abysse.
- Qui es-tu, répéta la démone avec plus de force, dévoilant ses canines.
- Ma maîtresse m’a nommé Sy-Ô-Mi, comtesse. Je suis un serviteur de dame Hella Malthus baronne de Noires-nuées. Ma maîtresse m’a chargé de veiller sur vous sans me faire remarquer.
Hella ? La démone avait été comme une mère pour Serin, après que son père l’ait épousé en secondes noces. Même après avoir été répudié par le duc d’Abysse, son père, Hella avait continué à se préoccuper de son ex-belle-fille. Elle en avait donné la preuve quelques mois plus tôt en cherchant à lui faire regagner son plan d’origine. Serin Névarius, passa en quelques secondes par de multiples sentiments sans être capable de savoir lequel dominait : se sentait elle flatter, en colère, surprise… Toutefois, Sy-Ô-Mi avait parlé de danger.
- Damoiselle, nous n’avons pas le temps de parler. Il faut que nous y allions !
La comtesse d’Absang acquiesça.
- Où ça ?
- Au camp de réfugié, jeune maîtresse !
- D’accord, mais il faut que j’appelle un attelage… nous n’y serons jamais à temps !
- Pas besoin d’attelage, damoiselle.
La silhouette de Sy-Ô-Mi se retransforma en ténèbres et vient tourbillonner autour de la jeune démone. Sous les yeux stupéfaits de Mi-Chan, le cyclone obscur enveloppa Serin, la cachant complètement. Sa rotation s’accéléra avant de s’enrayer. Les ténèbres se déchirèrent et disparurent en un instant. Il ne restait plus aucune trace des deux habitants des Abysses !
Chapitre 16
La grande place de Toulovo accueillait un camp de réfugiés venus de l’est du pays, voire de la Valachie. Certains avaient marché pendant des semaines pour arriver là. Epuisés, ils se tenaient recroquevillés autour de tentes de fortunes, où tendaient les mains vers les feux de camp qui illuminaient la nuit.
Pourtant deux hommes venaient d’installer un échiquier entre eux. Ils ne parlèrent pas, se contentant de bouger les pièces. Ce manège singulier attira l’attention de plusieurs de leurs compagnons d’infortunes. Les occasions de se divertir étaient rares et une petite foule se rassembla pour les regarder jouer.
Ils ne firent pas attention aux mouvements des lèvres des deux hommes, occupés à tisser un puissant sortilège.
Virgile ferma un instant les yeux, le temps de se remémorer un souvenir heureux… Mais, à ce compte-là, il pourrait bientôt appeler « souvenir heureux » n’importe quel moment antérieur à sa rencontre avec ces deux insupportables gamines.
- Donc, au lieu de joindre vos efforts, vous avez décidé de faire chacune votre propre double cercle ?
Comme Serin se redressait avec cette expression de fierté blessée, qu’il commençait à connaître, et que Mi-Chan prenait une profonde inspiration, Virgile jeta un charme de silence.
Pendant une dizaine de secondes elles se livrèrent une pantomie muette puis comprirent qu’on ne les entendait pas. Le mage sourit et dissipa son sortilège. Avant qu’elles n’aient le temps de se relancer, Virgile prit la parole.
- Je me fiche éperdument de savoir qui est la responsable. Donnez-moi vos ébauches !
Vexées de n’avoir pu se donner en spectacle, la comtesse démoniaque et la fillette elfe tendirent leur ouvrage en se défiant du regard. Le mage saisit une feuille dans chaque main et les jaugea en alternance.
Les deux filles attendaient le verdict, considérant que le moment était venu de gagner quelques points sur leur rivale. Virgile se leva sans un mot et déchira les deux feuillets avant de les jeter au feu.
- Mais pourquoi…
- Eh ! C’est mon travail que vous…
Le vieux magistère se retourna.
- Il suffit !
La fillette elfe quitta son siège.
- Vous n’êtes pas capable de créer un double cercle d’invocation et de transmutation. Comme pouvez-vous condamner mon travail ?!
- Après trente ans à travailleur la démonologie, je peux vous assurer que je peux reconnaître un cercle défectueux lorsque j’en vois un. Et aucun de vos doubles cercles ne peut fonctionner. Alors vous retournez en salle d’étude et vous recommencez… à zéro. Et cette fois, vous me présenterez une seule ébauche. Compris ?
Virgile avait rarement été aussi en colère. Il avait beau parler d’une voix égale, Serin grimaça d’un air contrit. Tout à sa dispute avec Mi-Chan, la démone avait perdu de vue l’objectif de leurs travaux. Il s’agissait de sauver Even de la menace qu’elle constituait pour lui. Serin était trop orgueilleuse pour reconnaître ses torts, mais pas assez bête pour rester sur une position indéfendable.
La comtesse d’Absang se leva et ouvrit la porte avant de se retourner.
- Mi-Chan, nous avons du travail, vient !
Le camp de réfugié était à présent silencieux, mis à part les bruits de respirations nocturnes. Mais sous la petite tente qu’ils se partageaient deux individus ne dormaient pas, ils feignaient seulement. Ils se relevèrent doucement, l’oreille tendue et s’entre-regardèrent. L’un d’eux eut un bref signe de tête et souleva le pan de tissu qui les séparait de la nuit.
L’homme encapuchonné fit un signe de la main, accompagné d’une incantation. La nuit s’illumina de flammes bleu-noires qui formèrent une rune éphémère. Derrière lui, le deuxième homme avait commençait une mélopée. Il tira plusieurs bourses de sous sa cape, les poussières scintillantes qu’elles contenaient lui servirent à dessiner un pentacle sur le sol.
Dans les tentes, des hommes ensorcelés par le jeu d’échec des porteurs de capuche se levèrent à l’appel de la rune brûlante. Leur démarche incertaine, leurs gestes maladroits réveillèrent d’autres réfugiés. Des murmures et des appels s’élevèrent. Cependant, les envoutés ne se détournèrent pas de leur chemin. Ils entourèrent le pentacle. Cinq d’entre eux se postèrent sur l’extrémité de chacune de ses branches. Tendis que son assistant continuait ses incantations, le premier porteur de capuche plongea sa main dans sa manche pour en tirer un poignard d’aspect hideux couvert d’ergots.
Les murmures des réfugiés se transformèrent en cris d’horreur lorsque le mage noir arracha le cœur du premier ensorcelé à l’aide de sa lame maudite. Alors que le corps s’effondrait sans un cri, il brandissait l’organe vers le ciel en murmurant une incantation. Il y eut un flash et sa main se retrouva vide tandis qu’une flamme violine apparaissait dans l’air à la verticale du pentacle.
Mi-Chan se frotta les yeux et bailla.
- Je peux aller me coucher ? je devrais être couché depuis longtemps…
Serin se mordit la lèvre. Son premier réflexe avait été de répondre avec son acidité coutumière, mais un regard à la petite fille lui suffit pour changer d’idée. La fillette semblait sur le point de s’endormir sur le coin de la table.
- D’accord… on va… Qu’est-ce que…
Serin se retourna. La démone frissonna sans s’apercevoir que sa peau se hérissait de chair de poule. Elle tendit la main et appela « Ombrelune ». Un cimeterre se matérialisa entre ses doigts sa pointe se tendit vers une forme ténébreuse qui se condensait dans un angle de la pièce.
- Qui es-tu ?
Un jeune homme presque androgyne sorti des vapeurs noirs et tomba un genou à terre, une main sur le cœur.
- Damoiselle Serin, vous êtes en danger. Vous devez me suivre, très vite. Des ennemis sont entrés dans la ville et ils ont commencé un rituel pour ouvrir une porte vers Abysse.
- Qui es-tu, répéta la démone avec plus de force, dévoilant ses canines.
- Ma maîtresse m’a nommé Sy-Ô-Mi, comtesse. Je suis un serviteur de dame Hella Malthus baronne de Noires-nuées. Ma maîtresse m’a chargé de veiller sur vous sans me faire remarquer.
Hella ? La démone avait été comme une mère pour Serin, après que son père l’ait épousé en secondes noces. Même après avoir été répudié par le duc d’Abysse, son père, Hella avait continué à se préoccuper de son ex-belle-fille. Elle en avait donné la preuve quelques mois plus tôt en cherchant à lui faire regagner son plan d’origine. Serin Névarius, passa en quelques secondes par de multiples sentiments sans être capable de savoir lequel dominait : se sentait elle flatter, en colère, surprise… Toutefois, Sy-Ô-Mi avait parlé de danger.
- Damoiselle, nous n’avons pas le temps de parler. Il faut que nous y allions !
La comtesse d’Absang acquiesça.
- Où ça ?
- Au camp de réfugié, jeune maîtresse !
- D’accord, mais il faut que j’appelle un attelage… nous n’y serons jamais à temps !
- Pas besoin d’attelage, damoiselle.
La silhouette de Sy-Ô-Mi se retransforma en ténèbres et vient tourbillonner autour de la jeune démone. Sous les yeux stupéfaits de Mi-Chan, le cyclone obscur enveloppa Serin, la cachant complètement. Sa rotation s’accéléra avant de s’enrayer. Les ténèbres se déchirèrent et disparurent en un instant. Il ne restait plus aucune trace des deux habitants des Abysses !
L'honneur n'est qu'un bien personnel, le plus précieux, certes. Mais l'honneur n'est pas une qualité pour l'exercice de cet art délicat qu'est la guerre.
- p'tit dragon
- Traducteur aguerri
- Messages : 892
Re: Nouvelles de malhuin


Ne réponds pas à l'insensé selon sa folie, de peur de lui devenir semblable, toi aussi.
[tab=60]Réponds à l'insensé selon sa folie, de peur qu'il ne soit sage à ses propres yeux.
[tab=60]Réponds à l'insensé selon sa folie, de peur qu'il ne soit sage à ses propres yeux.
Proverbe 26, 4-5
Re: Nouvelles de malhuin
Comme promis, j'ai réécris le chapitre 16, le faisant passer à un plus de 1500 mots (le format normal d'un de mes chapitres). j'en ai profité pour réécrire l'ensemble.
Chapitre 16
La grande place de Toulovo accueillait un camp de réfugiés venus de l’est du pays, voire de la Valachie. Certains avaient marché pendant des semaines pour arriver là. Epuisés, ils se tenaient recroquevillés autour de tentes de fortunes, où tendaient les mains vers les feux de camp qui illuminaient la nuit.
Pourtant deux hommes venaient d’installer un échiquier entre eux. Ils portaient de longues capes à capuchon qui plongeaient leurs visages dans la pénombre. Ces deux hommes sinistres se contentaient de bouger les pièces sans proférer un son. Ce manège singulier attira l’attention de plusieurs de leurs compagnons d’infortunes. Les occasions de se divertir étaient rares et une petite foule se rassembla pour les regarder jouer.
Ils ne faisaient pas attention aux mouvements des lèvres des deux hommes, occupés à tisser un puissant sortilège.
Virgile ferma un instant les yeux, le temps de se remémorer un souvenir heureux… Mais, à ce compte-là, il pourrait bientôt appeler « souvenir heureux » n’importe quel moment antérieur à sa rencontre avec ces deux insupportables gamines.
- Donc, au lieu de joindre vos efforts, vous avez décidé de faire chacune votre propre double cercle ?
Sa pique toucha bien sûre Serin qui se redressa avec cette expression de fierté blessée qu’il commençait à bien connaître. De son côté, Mi-Chan prenait une profonde inspiration. Mais Virgile était assez exaspéré pour renoncer à la diplomatie. Il fit un geste pour jeter le charme de silence qu’il préparait depuis leur entrée.
Pendant une dizaine de secondes, les deux filles se livrèrent une pantomie muette puis comprirent qu’on ne les entendait pas. Il traça quelques lignes sur une feuille de papier et la leur montra : « Je me fiche éperdument de vos protestations et de vos justifications. Donnez-moi simplement vos ébauches. »
Vexées de n’avoir pu se donner en spectacle, la comtesse démoniaque et la fillette elfe tendirent leurs ouvrages en se défiant du regard. Le mage saisit une feuille dans chaque main et les jaugea en alternance.
Les deux filles attendaient le verdict. Chacune considérant que le moment était venu de gagner quelques points sur sa rivale. Virgile se leva sans un mot et déchira les deux feuillets avant de les jeter au feu. Avec un sourire le mage leva son sortilège et les filles se mirent à parler simultanément :
- Mais pourquoi…
- Eh ! C’est mon travail que vous…
Le vieux magistère se retourna.
- Il suffit !
La fillette elfe quitta son siège.
- Vous n’êtes pas capable de créer un double cercle d’invocation et de transmutation. Comme pouvez-vous me traiter aussi cavalièrement ?!
- Certes, mais cela ne signifie pas que je ne sois pas capable de différencier un cercle fonctionnel, d’un cercle qui ne l’est pas. Après trente ans à travailler la démonologie, je connais ses règles. Vos doubles cercles ne peuvent fonctionner. Un cercle répond à des règles de construction qui garantissent son équilibre et sa capacité à évoquer des formes supérieures. On ne pas mettre certains signes ensembles car ils appartiennent à des sphères différentes. Leurs actions se contrarient et distordent le schéma que forment les lignes qui unissent entre elle les formes supérieures. Je l’ai expliqué dans mon livre. Si vous l’aviez sérieusement lu, vous sauriez compris cela. Cependant, vous êtes si imbues de vous-mêmes, l’une comme l’autre, que vous avez tout simplement repoussé mes conseils et mon aide… vous avez même refusé de travailler ensemble ! Alors, vous allez retourner en salle d’étude et vous allez recommencez… à zéro. Et cette fois, vous me présenterez une seule ébauche. Compris ?
Virgile avait rarement été aussi en colère. Toute sa vie, il avait espéré pouvoir recréer un des cercles d’invocation des anciens mages. Mais en tout et pour tout, pour mener à bien cette tâche gigantesque, il n’avait disposé que de débris de livres rongés par le temps et de quelques clavicules et talismans retrouvés dans les ruines. Et puis ces gamins étaient arrivés avec le Sepher-ah-Daath, un livre complet, intact… Sans guères d’efforts, ils avaient reçu ce qu’il avait vainement cherché toute sa vie. C’était injuste. Virgile s’en serait peut-être remis mais ses supérieurs… officiels ou non… lui avaient demandé de travailler avec eux. Cet ordre l’avait transformé en simple larbin de ces deux impossibles gamines qui n’écoutaient même pas ses conseils.
Il n’était pas le seul à se faire d’amères réflexions. Serin baissa le regard, soudain contrite. Tout à sa dispute avec Mi-Chan, la démone avait perdu de vue l’objectif de leurs travaux. Il s’agissait de sauver Even de la menace qu’elle constituait pour lui. La comtesse d’Absang était trop orgueilleuse pour reconnaître ses torts, mais pas assez bête pour rester sur une position indéfendable.
La créature à la peau pâle se leva dans le froufrou de sa robe de soie noire et ouvrit la porte avant de se retourner. Ses étranges yeux aux pupilles verticales, soudain pâles et tristes, fixaient l’elfette toujours en colère.
- Mi-Chan, nous avons du travail, vient !
Le camp de réfugié était à présent silencieux, mis à part les bruits de respirations nocturnes. Mais sous la petite tente qu’ils se partageaient, deux individus ne dormaient pas. Ils feignaient seulement. Doucement, l’oreille tendue, ils se redressèrent sur un coude et s’entre-regardèrent. L’un d’eux eut un bref signe de tête et souleva le pan de tissu qui les séparait de la nuit.
Il fit un signe de la main, accompagné d’une incantation. L’air nocturne s’embrasa de flammes bleu-noires qui formèrent une rune éphémère. Derrière lui, son acolyte avait commencé une mélopée. Il tira plusieurs bourses de sous sa cape. Les poussières scintillantes qu’elles contenaient lui servirent à dessiner un pentacle sur le sol.
Dans les tentes, des hommes ensorcelés par le jeu d’échec des porteurs de capuche se levèrent à l’appel de la rune brûlante. Leur démarche incertaine, leurs gestes maladroits réveillèrent d’autres réfugiés. Des murmures et des appels s’élevèrent. Cependant, les envoutés ne se détournèrent pas de leur chemin. Ils entourèrent le pentacle. Cinq d’entre eux se postèrent sur l’extrémité de chacune de ses branches. Tandis que son assistant continuait ses incantations, le premier porteur de capuche plongea sa main dans sa manche pour en tirer un poignard d’aspect hideux, couvert d’ergots.
Les murmures des réfugiés se transformèrent en cris d’horreur lorsque le mage noir arracha le cœur du premier ensorcelé à l’aide de sa lame maudite. Alors que le corps s’effondrait sans un cri, il brandissait l’organe vers le ciel en murmurant une incantation. Il y eut un flash et sa main se retrouva vide. En même temps, une flamme violine apparaissait dans l’air, à la verticale du pentacle.
Mi-Chan se frotta les yeux et bailla.
- Je peux aller dormir ? Je devrais être couché depuis longtemps…
Serin se mordit la lèvre. Son premier réflexe avait été de répondre avec son acidité coutumière. Toutefois, un regard à la jeune elfe suffit pour lui faire changer d’idée. La fillette somnolait sur le coin de la table, luttant pour garder les yeux ouverts.
- D’accord… on va… Qu’est-ce que…
Serin se retourna. La démone frissonna sans s’apercevoir que sa peau se hérissait de chair de poule. Elle tendit la main et appela « Ombrelune ». Un cimeterre se matérialisa entre ses doigts. Sa pointe se tendit vers une forme ténébreuse qui se condensait dans un angle de la pièce.
- Qui es-tu ?
Un jeune homme presque androgyne sorti des vapeurs noirs. Un genou à terre, il s’inclina une main sur le cœur.
- Damoiselle Serin, vous êtes en danger. Vous devez me suivre, très vite. Des ennemis sont entrés en ville et ils ont commencé un rituel pour ouvrir une porte vers Abysse.
- Qui es-tu, répéta la démone avec plus de force, dévoilant ses canines.
- Ma maîtresse m’a nommé Sy-Ô-Mi, comtesse. Je suis un serviteur de dame Hella Malthus baronne de Noires-nuées. Ma maîtresse m’a chargé de veiller sur vous sans me faire remarquer.
Hella ? Après que son père l’ait épousé en secondes noces, la démone avait été comme une mère pour Serin. Même après avoir été répudié par le duc d’Abysse, Hella avait continué à se préoccuper de son ex-belle-fille. Elle en avait donné la preuve quelques mois plus tôt en cherchant à lui faire regagner son plan d’origine. Serin Névarius, passa en quelques secondes par de multiples sentiments sans être capable de savoir lequel dominait : se sentait-elle flattée, en colère, surprise ? Toutefois, Sy-Ô-Mi avait parlé de danger. Le servant démon n’était d’ailleurs pas disposé à la laisser s’égarer sur des questions moins immédiatement importantes :
- Damoiselle, nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut que nous y allions !
La comtesse d’Absang acquiesça.
- D’accord. Où ça ?
- Au camp de réfugié, jeune maîtresse !
- Il faut que j’appelle un attelage… nous n’y serons jamais à temps !
- Pas besoin d’attelage, damoiselle.
La silhouette de Sy-Ô-Mi se mua à nouveau en ténèbres et vient tourbillonner autour de la jeune démone. Sous les yeux stupéfaits de Mi-Chan, le cyclone obscur enveloppa Serin, la cachant complètement. Puis sa rotation s’accéléra vertigineusement avant de s’enrayer. Les ténèbres se déchirèrent et disparurent en un instant. Il ne restait plus aucune trace des deux ressortissants des Abysses !
Chapitre 16
La grande place de Toulovo accueillait un camp de réfugiés venus de l’est du pays, voire de la Valachie. Certains avaient marché pendant des semaines pour arriver là. Epuisés, ils se tenaient recroquevillés autour de tentes de fortunes, où tendaient les mains vers les feux de camp qui illuminaient la nuit.
Pourtant deux hommes venaient d’installer un échiquier entre eux. Ils portaient de longues capes à capuchon qui plongeaient leurs visages dans la pénombre. Ces deux hommes sinistres se contentaient de bouger les pièces sans proférer un son. Ce manège singulier attira l’attention de plusieurs de leurs compagnons d’infortunes. Les occasions de se divertir étaient rares et une petite foule se rassembla pour les regarder jouer.
Ils ne faisaient pas attention aux mouvements des lèvres des deux hommes, occupés à tisser un puissant sortilège.
Virgile ferma un instant les yeux, le temps de se remémorer un souvenir heureux… Mais, à ce compte-là, il pourrait bientôt appeler « souvenir heureux » n’importe quel moment antérieur à sa rencontre avec ces deux insupportables gamines.
- Donc, au lieu de joindre vos efforts, vous avez décidé de faire chacune votre propre double cercle ?
Sa pique toucha bien sûre Serin qui se redressa avec cette expression de fierté blessée qu’il commençait à bien connaître. De son côté, Mi-Chan prenait une profonde inspiration. Mais Virgile était assez exaspéré pour renoncer à la diplomatie. Il fit un geste pour jeter le charme de silence qu’il préparait depuis leur entrée.
Pendant une dizaine de secondes, les deux filles se livrèrent une pantomie muette puis comprirent qu’on ne les entendait pas. Il traça quelques lignes sur une feuille de papier et la leur montra : « Je me fiche éperdument de vos protestations et de vos justifications. Donnez-moi simplement vos ébauches. »
Vexées de n’avoir pu se donner en spectacle, la comtesse démoniaque et la fillette elfe tendirent leurs ouvrages en se défiant du regard. Le mage saisit une feuille dans chaque main et les jaugea en alternance.
Les deux filles attendaient le verdict. Chacune considérant que le moment était venu de gagner quelques points sur sa rivale. Virgile se leva sans un mot et déchira les deux feuillets avant de les jeter au feu. Avec un sourire le mage leva son sortilège et les filles se mirent à parler simultanément :
- Mais pourquoi…
- Eh ! C’est mon travail que vous…
Le vieux magistère se retourna.
- Il suffit !
La fillette elfe quitta son siège.
- Vous n’êtes pas capable de créer un double cercle d’invocation et de transmutation. Comme pouvez-vous me traiter aussi cavalièrement ?!
- Certes, mais cela ne signifie pas que je ne sois pas capable de différencier un cercle fonctionnel, d’un cercle qui ne l’est pas. Après trente ans à travailler la démonologie, je connais ses règles. Vos doubles cercles ne peuvent fonctionner. Un cercle répond à des règles de construction qui garantissent son équilibre et sa capacité à évoquer des formes supérieures. On ne pas mettre certains signes ensembles car ils appartiennent à des sphères différentes. Leurs actions se contrarient et distordent le schéma que forment les lignes qui unissent entre elle les formes supérieures. Je l’ai expliqué dans mon livre. Si vous l’aviez sérieusement lu, vous sauriez compris cela. Cependant, vous êtes si imbues de vous-mêmes, l’une comme l’autre, que vous avez tout simplement repoussé mes conseils et mon aide… vous avez même refusé de travailler ensemble ! Alors, vous allez retourner en salle d’étude et vous allez recommencez… à zéro. Et cette fois, vous me présenterez une seule ébauche. Compris ?
Virgile avait rarement été aussi en colère. Toute sa vie, il avait espéré pouvoir recréer un des cercles d’invocation des anciens mages. Mais en tout et pour tout, pour mener à bien cette tâche gigantesque, il n’avait disposé que de débris de livres rongés par le temps et de quelques clavicules et talismans retrouvés dans les ruines. Et puis ces gamins étaient arrivés avec le Sepher-ah-Daath, un livre complet, intact… Sans guères d’efforts, ils avaient reçu ce qu’il avait vainement cherché toute sa vie. C’était injuste. Virgile s’en serait peut-être remis mais ses supérieurs… officiels ou non… lui avaient demandé de travailler avec eux. Cet ordre l’avait transformé en simple larbin de ces deux impossibles gamines qui n’écoutaient même pas ses conseils.
Il n’était pas le seul à se faire d’amères réflexions. Serin baissa le regard, soudain contrite. Tout à sa dispute avec Mi-Chan, la démone avait perdu de vue l’objectif de leurs travaux. Il s’agissait de sauver Even de la menace qu’elle constituait pour lui. La comtesse d’Absang était trop orgueilleuse pour reconnaître ses torts, mais pas assez bête pour rester sur une position indéfendable.
La créature à la peau pâle se leva dans le froufrou de sa robe de soie noire et ouvrit la porte avant de se retourner. Ses étranges yeux aux pupilles verticales, soudain pâles et tristes, fixaient l’elfette toujours en colère.
- Mi-Chan, nous avons du travail, vient !
Le camp de réfugié était à présent silencieux, mis à part les bruits de respirations nocturnes. Mais sous la petite tente qu’ils se partageaient, deux individus ne dormaient pas. Ils feignaient seulement. Doucement, l’oreille tendue, ils se redressèrent sur un coude et s’entre-regardèrent. L’un d’eux eut un bref signe de tête et souleva le pan de tissu qui les séparait de la nuit.
Il fit un signe de la main, accompagné d’une incantation. L’air nocturne s’embrasa de flammes bleu-noires qui formèrent une rune éphémère. Derrière lui, son acolyte avait commencé une mélopée. Il tira plusieurs bourses de sous sa cape. Les poussières scintillantes qu’elles contenaient lui servirent à dessiner un pentacle sur le sol.
Dans les tentes, des hommes ensorcelés par le jeu d’échec des porteurs de capuche se levèrent à l’appel de la rune brûlante. Leur démarche incertaine, leurs gestes maladroits réveillèrent d’autres réfugiés. Des murmures et des appels s’élevèrent. Cependant, les envoutés ne se détournèrent pas de leur chemin. Ils entourèrent le pentacle. Cinq d’entre eux se postèrent sur l’extrémité de chacune de ses branches. Tandis que son assistant continuait ses incantations, le premier porteur de capuche plongea sa main dans sa manche pour en tirer un poignard d’aspect hideux, couvert d’ergots.
Les murmures des réfugiés se transformèrent en cris d’horreur lorsque le mage noir arracha le cœur du premier ensorcelé à l’aide de sa lame maudite. Alors que le corps s’effondrait sans un cri, il brandissait l’organe vers le ciel en murmurant une incantation. Il y eut un flash et sa main se retrouva vide. En même temps, une flamme violine apparaissait dans l’air, à la verticale du pentacle.
Mi-Chan se frotta les yeux et bailla.
- Je peux aller dormir ? Je devrais être couché depuis longtemps…
Serin se mordit la lèvre. Son premier réflexe avait été de répondre avec son acidité coutumière. Toutefois, un regard à la jeune elfe suffit pour lui faire changer d’idée. La fillette somnolait sur le coin de la table, luttant pour garder les yeux ouverts.
- D’accord… on va… Qu’est-ce que…
Serin se retourna. La démone frissonna sans s’apercevoir que sa peau se hérissait de chair de poule. Elle tendit la main et appela « Ombrelune ». Un cimeterre se matérialisa entre ses doigts. Sa pointe se tendit vers une forme ténébreuse qui se condensait dans un angle de la pièce.
- Qui es-tu ?
Un jeune homme presque androgyne sorti des vapeurs noirs. Un genou à terre, il s’inclina une main sur le cœur.
- Damoiselle Serin, vous êtes en danger. Vous devez me suivre, très vite. Des ennemis sont entrés en ville et ils ont commencé un rituel pour ouvrir une porte vers Abysse.
- Qui es-tu, répéta la démone avec plus de force, dévoilant ses canines.
- Ma maîtresse m’a nommé Sy-Ô-Mi, comtesse. Je suis un serviteur de dame Hella Malthus baronne de Noires-nuées. Ma maîtresse m’a chargé de veiller sur vous sans me faire remarquer.
Hella ? Après que son père l’ait épousé en secondes noces, la démone avait été comme une mère pour Serin. Même après avoir été répudié par le duc d’Abysse, Hella avait continué à se préoccuper de son ex-belle-fille. Elle en avait donné la preuve quelques mois plus tôt en cherchant à lui faire regagner son plan d’origine. Serin Névarius, passa en quelques secondes par de multiples sentiments sans être capable de savoir lequel dominait : se sentait-elle flattée, en colère, surprise ? Toutefois, Sy-Ô-Mi avait parlé de danger. Le servant démon n’était d’ailleurs pas disposé à la laisser s’égarer sur des questions moins immédiatement importantes :
- Damoiselle, nous n’avons pas de temps à perdre. Il faut que nous y allions !
La comtesse d’Absang acquiesça.
- D’accord. Où ça ?
- Au camp de réfugié, jeune maîtresse !
- Il faut que j’appelle un attelage… nous n’y serons jamais à temps !
- Pas besoin d’attelage, damoiselle.
La silhouette de Sy-Ô-Mi se mua à nouveau en ténèbres et vient tourbillonner autour de la jeune démone. Sous les yeux stupéfaits de Mi-Chan, le cyclone obscur enveloppa Serin, la cachant complètement. Puis sa rotation s’accéléra vertigineusement avant de s’enrayer. Les ténèbres se déchirèrent et disparurent en un instant. Il ne restait plus aucune trace des deux ressortissants des Abysses !
L'honneur n'est qu'un bien personnel, le plus précieux, certes. Mais l'honneur n'est pas une qualité pour l'exercice de cet art délicat qu'est la guerre.
Re: Nouvelles de malhuin
Chapitre 20
L’archiduc de Bayern se sentait épuisé. Tout son corps lui faisait mal. Les chevaliers qui l’entouraient n’avaient pas meilleure mine. Armures cabossées, couvertes du sang vert des orques, lames ébréchées, les preux s’étaient férocement battus. C’étaient les survivants de cinq ordres de chevaleries reformés en une seule unité. Depuis deux jours, ils avaient courageusement brisés un assaut ennemi après l’autre, payant le prix fort. Le régent de Drakenland releva la visière de son armet et se redressa sur ses étriers pour faire un signe à son voisin.
- Donnez l’ordre de renversement !
Le chevalier emboucha un cor de guerre.
La voix grave racla le champ de bataille, survolant les champs de corps, les blessés que des infirmiers affairés sortaient des charniers. Elle éteignit un instant les râles des moribonds et étouffa le pas des milliers d’hommes qui avançaient. Le son porta jusqu’aux murailles éventrées de Nuremberg mais n’y éveilla aucun écho. Ceux qui dormaient là-bas, sous un mince manteau de neige poudreuse, fixaient la course des nuages d’yeux qui ne cillaient plus.
Un homme âgé, l’œil barré d’un pansement ensanglanté, se tourna vers ses hommes.
- C’est le moment ! Faites tourner les canons !
Les artilleurs se précipitèrent pour exécuter ses ordres. S’arque-boutant sur les roues pleines, ils firent pivoter les pièces d’artilleries superbement décorées d’incrustations d’or dont ils avaient la charge. D’autres soldats s’étaient attelés aux cordes pour tirer couleuvrines, serpentines, carpeaux d’eau et autres veuglaires. Ils devaient aussi écarter les corps de nombreux orques qui avaient réussi à mener une charge jusqu’à leur position.
Les canons, aux gueules souvent façonnées à la ressemblance de dragons ou de lions montrant les dents, furent bientôt tous pointés vers leur nouvel objectif. On s’activa. La poudre versée au fond des tubes fut bientôt rejointes par la bourre et les boulets de pierre ou de fer.
Le tonnerre chimique de la poudre souleva des écharpes grises qui vinrent se perdre dans le brouillard artificiel qui stagnait sur la région.
A quelques centaines de mètres, une colline se transforma en volcan en éruption. Le centre du dispositif orque trembla. Des hordes disparurent dans la fumée et la poussière. Les boulets s’envolaient, retombaient, ouvrant de nouveaux cratères au milieu des formations ou ricochaient pour s’arrêter parmi les orques de deuxième ou troisième ligne.
- Chargez les grappes de raisins !
Les grappes de raisins étaient des dispositifs en bois et en toile, une sorte de caisse, qui solidarisait des balles d’arquebuses. L’explosion initiale désintégra l’assemblage et l’ennemi reçu une mitraille de plomb qui ouvrit des brèches dans sa formation.
Au deuxième jour de la seconde bataille de Nuremberg (la première ayant vu les orques prendre la ville), l’artillerie impériale donna le signal de la contre-attaque. Les onze mille survivants de l’armée coalisée imperialo-polonaise surgirent des tranchés. Ils affrontaient une armée encore trois fois plus nombreuse que la leur… mais une contre-attaque des « chétifs » était bien la dernière chose qu’attendait les orques.
Le matraquage d’artillerie, concentré sur les gobelins moins biens protégés et surtout bien moins courageux, sema l’effroi et la confusion. Les monteurs de loups furent jetés à bas par leurs montures terrorisées. Les explosions s’apaisèrent pour laisser place à quelque chose d’encore plus terrifiant. Un front de golem à vapeur avançait dans le sifflement des soupapes et la fumée noire de leurs chaudières. Invincibles, les monstres de métal, rejetons hybrides de la science et de la magie, s’enfoncèrent dans les rangs ennemis sans ralentir. Terrorisés, les gobelins s’enfuirent et se jetèrent contre les colonnes d’orques qui arrivaient en renfort. Ce fut à ce moment que l’artillerie recommença à tirer. Les caisses à mitrailles et les boulets pleins tombèrent au milieu de cette confusion.
Les portes du camp retranché, hérissés de flèches empennées de plumes de corbeaux, s’ouvrirent pour laisser sortir la cavalerie du roi de Pologne. Les aigles blancs battaient sur le tissu écarlate des étendards. Vêtus de mailles, la poitrine couverte de plaques d’acier, les hussards ailés portaient des heaumes et des protèges-bras qui les couvraient jusqu’aux coudes. Ils avaient sur les épaules une peau de panthère ou de tigre. Leurs beaux et braves chevaux avaient, accrochés à leurs selles, de vastes ailes de plumes noires. Ces parures étaient pour beaucoup dans l’apparence magnifique de ces cavaliers à la noble posture. Mais le rôle des ailes n’était pas uniquement esthétique. Leurs claquements impressionnaient fortement l’ennemi. Ils serraient dans leurs poings des lances peintes en rouge et terminées par un pennon de toile bleue. Légères et creuses, en bois très souple, ces armes de trois à quatre pieds dépassaient en longueur les piques de l’infanterie. Aucun homme n’aurait pu les brandir d’une main, mais leurs talons étaient tenus au fond de coupes accrochées à la selle de chaque cavalier.
Les bannières s’avançaient sur un large front, sur une épaisseur de quatre rangs. Chaque hussard était espacé d’une largeur de cheval de son voisin. Les carrés de cavaliers s’étaient groupés au pas et avaient commencé leur avance dans un silence épais. Lentement, à un rythme presque solennel, ils étaient passés au demi-trot, puis au trot.
Dans les vides entre les formations de hussards, s’infiltrèrent des escadrons de cavaliers plus légers. C’étaient des pancerni, des archers montés armés du redoutable arc turquois. Ils arrivèrent presque au contact des rangs d’orques avant de lancer une nuée de flèches courtes et méchantes. Les traits ouvrirent des brèches sanglantes dans les rangs des fantassins ennemis. Reculant à mesure que l’ennemi marchait sur eux, les pancerni formèrent des cercles cantabriques devant leur avance. Les archers montés tournaient dans un carrousel infernal. Chaque Pancerni tirait une flèche arrivé au point le plus près de l’ennemi, puis rechargeait en s’éloignant.
Arrivée à deux cent pas des orques, la puissante et crainte cavalerie polonaise s’élança au galop sur un seul cri poussé à faire exploser la poitrine de tous les hussards : Pro fide rege !
La devise de la Pologne rappelait aux hommes qu’ils se battaient par fidélité au roi, mais au-delà de ça pour leur peuple. Ils ouvraient la voie à l’infanterie. Ses hommes en pantalon rouge, bottes noires, portaient une chemise de maille courte sous une tunique sans manche à brandebourgs, ainsi qu’une toque de fourrure noire dominée par une plume blanche. Leur arme était l’esponton, une haste à mi chemin entre la pique et la hallebarde. Epaules comme épaules, ces rangs surmontés de pointes semblaient invincibles.
L’infanterie de Drakenland avançait en carrés hérissé de piques sur toute la largeur du champ de bataille, sous le couvert d’arquebusiers et d’arbalétriers. Le heurt avec les orques fut formidable. Les lignes chancelèrent et plièrent.
Quel ne fut pas l’amusement de ce groupe d’orques noirs lorsqu’ils virent leurs ennemis. Ils s’attendaient à de vrais adversaires. Au lieu de ça, il n’y avait en face d’eux qu’un petit groupe de vieillards vêtus de robes ridicules. Lorsque Anselme de Montdidier, archimage de la guilde jeta sur eux un globe de cristal noir, leur hilarité s’étouffa dans leurs gorges. Dans une volute de fumée violette un colosse quitta sa prison cristalline. Sa peau était rouge, il tenait une hache d’une main et son seul vêtement était un pagne de fourrure dont la ceinture s’ornait de crânes humains. Il était grossièrement humanoïde mais il avait une queue fourchue, des sabots en guise de pieds et une tête de taureau. Ce seigneur démon était un Ba’al… Il ne lui fallu que quelques secondes pour massacrer ses adversaires, il s’avança ensuite en tête des mages qui déchaînaient des sortilèges dévastateurs sur tout ce qui osait les approcher.
Le combat décisif se déroulait pourtant au-dessus du sol. Un duo de Dakes impériaux survola les épaves de leurs trois frères abattus la veille. Ces rescapés s’approchaient de la tour aérienne immobile au sein du tourbillon de chaos qui lui fournissait sa puissance. Les aéronefs couverts de blindages boulonnés étaient de bien fragiles petites choses face au titan qui commençait déjà à concentrer une puissance terrifiante.
- A l’attaque !
L’homme encapuchonné qui venait de donner cet ordre portait une armure de plates sous sa robe brodée de symboles mystique. D’une main, il guida sa vouivre. Ce cousin du dragon, plus petit et moins intelligent, déploya ses ailes. D’un coup il écarta les ailes et se mit à les battre avec vigueur. Un instant plus tard, la vouivre s’arrachait à la plateforme du Drake. Une cinquantaine d’autres la suivait.
La terrible formation plongea sur le champ de bataille. Le mage de guerre leva sa baguette qui se mit à grésiller. Un instant plus tard, une boule de foudre en sortit. Filant à vive à allure, elle fit exploser la tête d’un géant qui s’avançait pesamment sur le champ de bataille. Le choc le jeta bas. La commotion fit tomber à terre les gobelins qui l’accompagnaient et souleva un vaste nuage de poussière et de neige. Les vouivres crachèrent alors leur salive enflammée sur les peaux vertes en proie à la panique.
Mais déjà de monstrueux reptiles ailés quittaient le sol, montés par des gobelinoïdes. Ils étaient des centaines… Heureusement, les vouivres n’allaient pas combattre seules. Pégases et griffons se joignirent à la bataille, chacun portant un chevalier en armure ou un archer.
Chapitre 21
Beau, horrible…
Qu’y a-t-il de plus beau que de regarder ces hommes aux magnifiques armures, montés sur de fringants destriers ? Comment ne pas avoir l’âme saisie à la vue de la splendeur des armées ? Il faut avoir vu une fois des hommes avancer sous la mitraille pour comprendre. Il n’y a rien de plus beau que le courage, le sacrifice de soi ! Comment ne pas être ému lorsque cette ardeur, cette foi, s’étale sous vos yeux ? Il n’est d’homme réellement vivant que celui qui a compris le prix de son existence. Et ce prix on ne le connaît qu’en ayant frôlé la mort au plus près. L’homme est un être de violence. La guerre est son apothéose…
Beau est horrible…
La guerre est un ouragan d’acier qui tranche dans la chair ! La guerre est un tonnerre de feu et de poudre qui broie les hommes dans une éclosion de sang. Qu’y a-t-il de plus affreux que la guerre ? Quel homme sain d’esprit peut-il entrer dans ce carnage, pour tuer et être tuer ? Comment accepter la guerre ? Comment ne pas la réprouver de chaque fibre de son être ? Après tout, l’homme est un être vivant qui tient en horreur tout ce qui le rapproche de la mort.
Beau et horrible…
L’homme ne comprend la vie que par la mort, son antithèse. Que comprend-il de lui-même en fait ? Nous sommes des êtres limités à la nature contradictoire. Nous aimons, nous détestons. Une part de nous se réjouis de participer à la guerre, elle échauffe notre sang, fait battre notre cœur, exalte notre esprit. Mais, êtres de chair, nous comprenons la souffrance que la chair apporte. Êtres de nature empathique, nous nous projetons dans la douleur des autres. Combien d’entre nous avons pleuré la perte d’un être cher ? Combiens d’entre nous avons regardé un inconnu pleurer et avons eu le cœur blessé ?
Suspendu à un fil d’éternité, l’homme infime, créature à l’extrême ambivalence, résume à lui seul toute la nature paradoxale de l’univers qui l’a engendré et le fera mourir.
Le ciel était un pandémonium de violence. Créatures aériennes et machines volantes s’affrontaient sans un instant de répit. Souffles de flammes, éclairs, décharges d’arquebuses, bombardes, arcs et arbalètes… Un parfait catalogue de tout ce que la magie et l’ingéniosité des vivants avait inventé en matière de manière de semer la mort.
Les vouivres plongeaient vers la terre pour ouvrir des tranchées de feu dans les masses serrées des gobelins. Ils étaient la proie de ses mêmes créatures, montés sur d’étranges reptiles ailés. Plus rapides et plus nombreux, les humanoïdes étaient un danger certain pour les grands prédateurs du ciel. Heureusement, griffons, hippogriffes et pégases rendaient des points aux créatures montées par les goblinoïdes. Les chevaliers de l’air veillaient à tenir les assaillants à l’écart des vouivres utilisant les armes naturelles de leurs montures comme celles qu’ils tenaient dans leurs poings.
En dépit de leur faible nombre, la qualité des combattants humains leur permettait de tenir tête aux agresseurs.
La situation autour de la tour volante était autrement préoccupante.
Les Drakes la tenaient en tir croisé et leurs canons faisaient naître des nuages que le vent emportait. Pourtant les boulets étaient incapables de percer le bouclier d’énergie violette que l’énigmatique monument avait levé pour se protéger. A chaque heurt, la barrière translucide se troublait de cercles concentriques, comme un lac dans lequel on jetait des pierres, mais c’était sa seule réaction.
Un rayon aveuglant naquit des crénaux et frappa un Drake à l’arrière. Il y eut une explosion et une colonne de fumée s’éleva du blindage éventré. En dépit de la puissance redoutable des cuirassés à vapeur, ils ne tiendraient plus très longtemps face à une telle concentration d’énergie puisée au sein même du chaos.
L’affrontement ne se livrait pas uniquement dans l’air et à cet égard celui-ci n’était que le miroir d’un champ de carnage.
Ce n’était pas la bataille de deux armées, mais bien un choc qui fracturait un continent. Sur des kilomètres, le regard ne voyait que des formations en mouvement. Les bannières qui claquaient au vent portaient les emblèmes de cités-états, d’ordres de chevalerie, de cantons suisses, de duchés… Mais les deux plus grands contributeurs humains à ce carnage étaient le roi de Pologne et le régent de Drakenland.
En face, ce n’était pas une armée. Il n’y avait plus de bataillons bien groupés en carré, plus de fifres et de tambours pour mener les hommes. C’était une marée de corps qui descendait des collines, une ruée inimaginable. Comme des navires sur une mer déchaînée, ici ou là on voyait des géants qui avançaient à pas lourds. Malgré une canonnade massive sur ses arrières, la horde ne semblait aucunement affaiblie au moment de se jeter sur les rangs des humains.
La zone de contact était un tourbillon où tout se mêlait et s’interpénétrait, une frontière qui se redessinait sans cesse à coups d’épées.
En dépit de tout, l’infanterie de l’Empire et de ses alliés contenait encore le centre du dispositif ennemi. Sur l’aile droite les hussards polonais avaient enfoncé la horde ennemie en deux points et essayaient de réduire le saillant ainsi formé.
Sur la colline où il avait installé son poste de commandement, un vieil homme se tenait fier et droit malgré la lourde armure qui le vêtait. Il posa la longue vue qu’il avait en main. Son front était soucieux. Il ne pouvait plus se permettre d’hésiter… Il n’avait pas confiance, mais quel autre choix lui restait-il ? Dans quelques minutes, les deux Drakes seraient détruits. Cette infernale tour pourrait alors tourner ses armes contre ses troupes au sol.
- J’espère, madame, que vous êtes sûre de vous !
Dieter von Eisenbach, régent de Drakenland et archiduc de Bayern se tourna pour dévisager une silhouette emmitouflée dans un long manteau noir. Elle répondit d’un rire féminin. Le visage qu’elle leva vers le régent resta plongé dans l’ombre du capuchon, mais les lèvres très rouges dessinèrent un sourire moqueur.
- De la théorie ? Absolument sûre… mais j’admets que le passage à la pratique peut nous réserver quelques surprises.
Sans un mot de plus, la femme pivota sur ses talons pour pénétrer dans une grande tente. Deux mages se tournèrent vers elle. Ils avaient tracé un pentacle sur le sol et le comparaient à un parchemin.
- Montrez cela…. Oui, cela à l’air parfait. Commençons. S’san, allez chercher le prisonnier.
L’homme serpent ouvrit un pan de la tente et fit entrer deux soldats qui poussèrent une créature difforme. Une longue robe d’un tissu semblable à du satin vert l’enveloppait. Son visage était invisible derrière un masque de jade aux traits monstrueux.
- Je vois que vous êtes en bonne forme, Shaggat.
- Hella !
La démone rit et rabattit son capuchon. Un flot de cheveux gris cendres retombèrent sur ses épaules. Ses yeux étaient mauves et lumineux, étrange contraste avec sa peau brune et satinée. Face à une telle beauté, les gardes en oublièrent de respirer. La baronne de Noires-Nuées leur dédia un sourire amusé, elle était habituée à une telle réaction.
L’ancien bras droit de Raum n’était pas dans le même état d’esprit, ses yeux parcoururent rapidement la pièce.
- Ecoutez… j’ai tenu ma parole… j’ai aidé les humains…
- Bien sûr Shaggat. Je suis certaine que vous voulez continuer, n’est-ce pas ? Bien ! Voulez-vous bien entrer dans le pentacle ? Cela ne prendra qu’un instant.
- Non… je vous en prie
- Entrez dans le cercle !
De la main, la baronne fit le geste de l’attraper et de le tirer à elle. Ils étaient à plusieurs mètres de distance, mais le sorcier de T’zench se souleva du sol et roula au milieu du cercle magique. Les glyphes se mirent immédiatement à rayonner. Shaggat s’efforça de se relever mais il s’immobilisa comme une mouche engluée dans une toile d’araignée.
- Qu’est-ce que vous voulez faire ? Hella !
Hella Malthus eut un sourire à faire froid dans le dos et commença à incanter une sombre mélopée.
La tour volante puisait son énergie directement des profondeurs des Abysses. Ce phénomène provoquait une sorte de tourbillon de nuage qui restait immobile au dessus d’elle. Par moment, surtout lorsque l’étrange édifice avait besoin de puissance, un rayon plongeait au cœur du maelstrom.
Dans son combat contre les Drakes impériaux, la fortification puisait à pleine puissance dans l’énergie du chaos. Le faisceau de clarté vacilla soudain, s’éteignit avant de se rallumer brièvement pour s’éteindre définitivement. Les nuages en rotation ralentirent leur course tandis que, lentement, la tour commença à pencher et à perdre de l’altitude. Ses écrans d’énergie avaient disparu et ses armes s’étaient tues…
La base de roche, sur laquelle le maléfique beffroi s’appuyait, était baignée de sillons de lave ardente. Une craquelure s’ouvrit d’un seul coup et à grand fracas tandis qu’une première explosion fit surgir un jet de flamme par une meurtrière. A l’agonie, secouée par les dévastations qui se succédaient en son sein, l’étrange artefact agonissait.
Partout sur le champ de bataille les yeux se levèrent vers le spectacle de l’agonie de la tour. Des milliers de Gobelins hurlèrent de terreur. Les orques reculèrent. Un cri formidable se leva au contraire parmi les rangs humains. Au moment où la touchait terre, sa base se désintégra en une formidable détonation. Aspergés d’une pluie de moellons et de flammes, les humanoïdes se mirent à courir en lâchant leurs armes. Sans la puissance surnaturelle qui les avait guidés, ils n’étaient plus que les ressortissants d’une dizaine de tribus rivales. Ils n’avaient plus le courage, ni la cohésion pour affronter les humains.
Sous la tente, Hella Malthus baronne de Noires-Nuées releva sa capuche. Elle salua d’un bref signe de tête le régent qui venait d’entrer. Le vieil homme déglutit, ses yeux fixaient une silhouette humanoïde comme faites de charbons, encore ardente, qui achevait de crouler en cendre au milieu du pentacle.
- Je venais vous remercier…
- Il n’en est nul besoin, régent. Ah… un dernier détail.
La démone des Abysses s’immobilisa devant les deux gardes sa main passa devant leurs yeux. Figés comme des statues ils fixèrent le sol de la tente.
- Dormez… dormez… et lorsque vous vous réveillerez… vous aurez oublié tout ce qui s’est passé en ces lieux.
Le régent tourna les yeux vers l’extérieur de la tente. De la tour ne restait qu’un tronçon couché sur le flanc et ravagé par les flammes. Partout où portait le regard, les peaux vertes refluaient pourchassés par les humains…
L’archiduc de Bayern se sentait épuisé. Tout son corps lui faisait mal. Les chevaliers qui l’entouraient n’avaient pas meilleure mine. Armures cabossées, couvertes du sang vert des orques, lames ébréchées, les preux s’étaient férocement battus. C’étaient les survivants de cinq ordres de chevaleries reformés en une seule unité. Depuis deux jours, ils avaient courageusement brisés un assaut ennemi après l’autre, payant le prix fort. Le régent de Drakenland releva la visière de son armet et se redressa sur ses étriers pour faire un signe à son voisin.
- Donnez l’ordre de renversement !
Le chevalier emboucha un cor de guerre.
La voix grave racla le champ de bataille, survolant les champs de corps, les blessés que des infirmiers affairés sortaient des charniers. Elle éteignit un instant les râles des moribonds et étouffa le pas des milliers d’hommes qui avançaient. Le son porta jusqu’aux murailles éventrées de Nuremberg mais n’y éveilla aucun écho. Ceux qui dormaient là-bas, sous un mince manteau de neige poudreuse, fixaient la course des nuages d’yeux qui ne cillaient plus.
Un homme âgé, l’œil barré d’un pansement ensanglanté, se tourna vers ses hommes.
- C’est le moment ! Faites tourner les canons !
Les artilleurs se précipitèrent pour exécuter ses ordres. S’arque-boutant sur les roues pleines, ils firent pivoter les pièces d’artilleries superbement décorées d’incrustations d’or dont ils avaient la charge. D’autres soldats s’étaient attelés aux cordes pour tirer couleuvrines, serpentines, carpeaux d’eau et autres veuglaires. Ils devaient aussi écarter les corps de nombreux orques qui avaient réussi à mener une charge jusqu’à leur position.
Les canons, aux gueules souvent façonnées à la ressemblance de dragons ou de lions montrant les dents, furent bientôt tous pointés vers leur nouvel objectif. On s’activa. La poudre versée au fond des tubes fut bientôt rejointes par la bourre et les boulets de pierre ou de fer.
Le tonnerre chimique de la poudre souleva des écharpes grises qui vinrent se perdre dans le brouillard artificiel qui stagnait sur la région.
A quelques centaines de mètres, une colline se transforma en volcan en éruption. Le centre du dispositif orque trembla. Des hordes disparurent dans la fumée et la poussière. Les boulets s’envolaient, retombaient, ouvrant de nouveaux cratères au milieu des formations ou ricochaient pour s’arrêter parmi les orques de deuxième ou troisième ligne.
- Chargez les grappes de raisins !
Les grappes de raisins étaient des dispositifs en bois et en toile, une sorte de caisse, qui solidarisait des balles d’arquebuses. L’explosion initiale désintégra l’assemblage et l’ennemi reçu une mitraille de plomb qui ouvrit des brèches dans sa formation.
Au deuxième jour de la seconde bataille de Nuremberg (la première ayant vu les orques prendre la ville), l’artillerie impériale donna le signal de la contre-attaque. Les onze mille survivants de l’armée coalisée imperialo-polonaise surgirent des tranchés. Ils affrontaient une armée encore trois fois plus nombreuse que la leur… mais une contre-attaque des « chétifs » était bien la dernière chose qu’attendait les orques.
Le matraquage d’artillerie, concentré sur les gobelins moins biens protégés et surtout bien moins courageux, sema l’effroi et la confusion. Les monteurs de loups furent jetés à bas par leurs montures terrorisées. Les explosions s’apaisèrent pour laisser place à quelque chose d’encore plus terrifiant. Un front de golem à vapeur avançait dans le sifflement des soupapes et la fumée noire de leurs chaudières. Invincibles, les monstres de métal, rejetons hybrides de la science et de la magie, s’enfoncèrent dans les rangs ennemis sans ralentir. Terrorisés, les gobelins s’enfuirent et se jetèrent contre les colonnes d’orques qui arrivaient en renfort. Ce fut à ce moment que l’artillerie recommença à tirer. Les caisses à mitrailles et les boulets pleins tombèrent au milieu de cette confusion.
Les portes du camp retranché, hérissés de flèches empennées de plumes de corbeaux, s’ouvrirent pour laisser sortir la cavalerie du roi de Pologne. Les aigles blancs battaient sur le tissu écarlate des étendards. Vêtus de mailles, la poitrine couverte de plaques d’acier, les hussards ailés portaient des heaumes et des protèges-bras qui les couvraient jusqu’aux coudes. Ils avaient sur les épaules une peau de panthère ou de tigre. Leurs beaux et braves chevaux avaient, accrochés à leurs selles, de vastes ailes de plumes noires. Ces parures étaient pour beaucoup dans l’apparence magnifique de ces cavaliers à la noble posture. Mais le rôle des ailes n’était pas uniquement esthétique. Leurs claquements impressionnaient fortement l’ennemi. Ils serraient dans leurs poings des lances peintes en rouge et terminées par un pennon de toile bleue. Légères et creuses, en bois très souple, ces armes de trois à quatre pieds dépassaient en longueur les piques de l’infanterie. Aucun homme n’aurait pu les brandir d’une main, mais leurs talons étaient tenus au fond de coupes accrochées à la selle de chaque cavalier.
Les bannières s’avançaient sur un large front, sur une épaisseur de quatre rangs. Chaque hussard était espacé d’une largeur de cheval de son voisin. Les carrés de cavaliers s’étaient groupés au pas et avaient commencé leur avance dans un silence épais. Lentement, à un rythme presque solennel, ils étaient passés au demi-trot, puis au trot.
Dans les vides entre les formations de hussards, s’infiltrèrent des escadrons de cavaliers plus légers. C’étaient des pancerni, des archers montés armés du redoutable arc turquois. Ils arrivèrent presque au contact des rangs d’orques avant de lancer une nuée de flèches courtes et méchantes. Les traits ouvrirent des brèches sanglantes dans les rangs des fantassins ennemis. Reculant à mesure que l’ennemi marchait sur eux, les pancerni formèrent des cercles cantabriques devant leur avance. Les archers montés tournaient dans un carrousel infernal. Chaque Pancerni tirait une flèche arrivé au point le plus près de l’ennemi, puis rechargeait en s’éloignant.
Arrivée à deux cent pas des orques, la puissante et crainte cavalerie polonaise s’élança au galop sur un seul cri poussé à faire exploser la poitrine de tous les hussards : Pro fide rege !
La devise de la Pologne rappelait aux hommes qu’ils se battaient par fidélité au roi, mais au-delà de ça pour leur peuple. Ils ouvraient la voie à l’infanterie. Ses hommes en pantalon rouge, bottes noires, portaient une chemise de maille courte sous une tunique sans manche à brandebourgs, ainsi qu’une toque de fourrure noire dominée par une plume blanche. Leur arme était l’esponton, une haste à mi chemin entre la pique et la hallebarde. Epaules comme épaules, ces rangs surmontés de pointes semblaient invincibles.
L’infanterie de Drakenland avançait en carrés hérissé de piques sur toute la largeur du champ de bataille, sous le couvert d’arquebusiers et d’arbalétriers. Le heurt avec les orques fut formidable. Les lignes chancelèrent et plièrent.
Quel ne fut pas l’amusement de ce groupe d’orques noirs lorsqu’ils virent leurs ennemis. Ils s’attendaient à de vrais adversaires. Au lieu de ça, il n’y avait en face d’eux qu’un petit groupe de vieillards vêtus de robes ridicules. Lorsque Anselme de Montdidier, archimage de la guilde jeta sur eux un globe de cristal noir, leur hilarité s’étouffa dans leurs gorges. Dans une volute de fumée violette un colosse quitta sa prison cristalline. Sa peau était rouge, il tenait une hache d’une main et son seul vêtement était un pagne de fourrure dont la ceinture s’ornait de crânes humains. Il était grossièrement humanoïde mais il avait une queue fourchue, des sabots en guise de pieds et une tête de taureau. Ce seigneur démon était un Ba’al… Il ne lui fallu que quelques secondes pour massacrer ses adversaires, il s’avança ensuite en tête des mages qui déchaînaient des sortilèges dévastateurs sur tout ce qui osait les approcher.
Le combat décisif se déroulait pourtant au-dessus du sol. Un duo de Dakes impériaux survola les épaves de leurs trois frères abattus la veille. Ces rescapés s’approchaient de la tour aérienne immobile au sein du tourbillon de chaos qui lui fournissait sa puissance. Les aéronefs couverts de blindages boulonnés étaient de bien fragiles petites choses face au titan qui commençait déjà à concentrer une puissance terrifiante.
- A l’attaque !
L’homme encapuchonné qui venait de donner cet ordre portait une armure de plates sous sa robe brodée de symboles mystique. D’une main, il guida sa vouivre. Ce cousin du dragon, plus petit et moins intelligent, déploya ses ailes. D’un coup il écarta les ailes et se mit à les battre avec vigueur. Un instant plus tard, la vouivre s’arrachait à la plateforme du Drake. Une cinquantaine d’autres la suivait.
La terrible formation plongea sur le champ de bataille. Le mage de guerre leva sa baguette qui se mit à grésiller. Un instant plus tard, une boule de foudre en sortit. Filant à vive à allure, elle fit exploser la tête d’un géant qui s’avançait pesamment sur le champ de bataille. Le choc le jeta bas. La commotion fit tomber à terre les gobelins qui l’accompagnaient et souleva un vaste nuage de poussière et de neige. Les vouivres crachèrent alors leur salive enflammée sur les peaux vertes en proie à la panique.
Mais déjà de monstrueux reptiles ailés quittaient le sol, montés par des gobelinoïdes. Ils étaient des centaines… Heureusement, les vouivres n’allaient pas combattre seules. Pégases et griffons se joignirent à la bataille, chacun portant un chevalier en armure ou un archer.
Chapitre 21
Beau, horrible…
Qu’y a-t-il de plus beau que de regarder ces hommes aux magnifiques armures, montés sur de fringants destriers ? Comment ne pas avoir l’âme saisie à la vue de la splendeur des armées ? Il faut avoir vu une fois des hommes avancer sous la mitraille pour comprendre. Il n’y a rien de plus beau que le courage, le sacrifice de soi ! Comment ne pas être ému lorsque cette ardeur, cette foi, s’étale sous vos yeux ? Il n’est d’homme réellement vivant que celui qui a compris le prix de son existence. Et ce prix on ne le connaît qu’en ayant frôlé la mort au plus près. L’homme est un être de violence. La guerre est son apothéose…
Beau est horrible…
La guerre est un ouragan d’acier qui tranche dans la chair ! La guerre est un tonnerre de feu et de poudre qui broie les hommes dans une éclosion de sang. Qu’y a-t-il de plus affreux que la guerre ? Quel homme sain d’esprit peut-il entrer dans ce carnage, pour tuer et être tuer ? Comment accepter la guerre ? Comment ne pas la réprouver de chaque fibre de son être ? Après tout, l’homme est un être vivant qui tient en horreur tout ce qui le rapproche de la mort.
Beau et horrible…
L’homme ne comprend la vie que par la mort, son antithèse. Que comprend-il de lui-même en fait ? Nous sommes des êtres limités à la nature contradictoire. Nous aimons, nous détestons. Une part de nous se réjouis de participer à la guerre, elle échauffe notre sang, fait battre notre cœur, exalte notre esprit. Mais, êtres de chair, nous comprenons la souffrance que la chair apporte. Êtres de nature empathique, nous nous projetons dans la douleur des autres. Combien d’entre nous avons pleuré la perte d’un être cher ? Combiens d’entre nous avons regardé un inconnu pleurer et avons eu le cœur blessé ?
Suspendu à un fil d’éternité, l’homme infime, créature à l’extrême ambivalence, résume à lui seul toute la nature paradoxale de l’univers qui l’a engendré et le fera mourir.
Le ciel était un pandémonium de violence. Créatures aériennes et machines volantes s’affrontaient sans un instant de répit. Souffles de flammes, éclairs, décharges d’arquebuses, bombardes, arcs et arbalètes… Un parfait catalogue de tout ce que la magie et l’ingéniosité des vivants avait inventé en matière de manière de semer la mort.
Les vouivres plongeaient vers la terre pour ouvrir des tranchées de feu dans les masses serrées des gobelins. Ils étaient la proie de ses mêmes créatures, montés sur d’étranges reptiles ailés. Plus rapides et plus nombreux, les humanoïdes étaient un danger certain pour les grands prédateurs du ciel. Heureusement, griffons, hippogriffes et pégases rendaient des points aux créatures montées par les goblinoïdes. Les chevaliers de l’air veillaient à tenir les assaillants à l’écart des vouivres utilisant les armes naturelles de leurs montures comme celles qu’ils tenaient dans leurs poings.
En dépit de leur faible nombre, la qualité des combattants humains leur permettait de tenir tête aux agresseurs.
La situation autour de la tour volante était autrement préoccupante.
Les Drakes la tenaient en tir croisé et leurs canons faisaient naître des nuages que le vent emportait. Pourtant les boulets étaient incapables de percer le bouclier d’énergie violette que l’énigmatique monument avait levé pour se protéger. A chaque heurt, la barrière translucide se troublait de cercles concentriques, comme un lac dans lequel on jetait des pierres, mais c’était sa seule réaction.
Un rayon aveuglant naquit des crénaux et frappa un Drake à l’arrière. Il y eut une explosion et une colonne de fumée s’éleva du blindage éventré. En dépit de la puissance redoutable des cuirassés à vapeur, ils ne tiendraient plus très longtemps face à une telle concentration d’énergie puisée au sein même du chaos.
L’affrontement ne se livrait pas uniquement dans l’air et à cet égard celui-ci n’était que le miroir d’un champ de carnage.
Ce n’était pas la bataille de deux armées, mais bien un choc qui fracturait un continent. Sur des kilomètres, le regard ne voyait que des formations en mouvement. Les bannières qui claquaient au vent portaient les emblèmes de cités-états, d’ordres de chevalerie, de cantons suisses, de duchés… Mais les deux plus grands contributeurs humains à ce carnage étaient le roi de Pologne et le régent de Drakenland.
En face, ce n’était pas une armée. Il n’y avait plus de bataillons bien groupés en carré, plus de fifres et de tambours pour mener les hommes. C’était une marée de corps qui descendait des collines, une ruée inimaginable. Comme des navires sur une mer déchaînée, ici ou là on voyait des géants qui avançaient à pas lourds. Malgré une canonnade massive sur ses arrières, la horde ne semblait aucunement affaiblie au moment de se jeter sur les rangs des humains.
La zone de contact était un tourbillon où tout se mêlait et s’interpénétrait, une frontière qui se redessinait sans cesse à coups d’épées.
En dépit de tout, l’infanterie de l’Empire et de ses alliés contenait encore le centre du dispositif ennemi. Sur l’aile droite les hussards polonais avaient enfoncé la horde ennemie en deux points et essayaient de réduire le saillant ainsi formé.
Sur la colline où il avait installé son poste de commandement, un vieil homme se tenait fier et droit malgré la lourde armure qui le vêtait. Il posa la longue vue qu’il avait en main. Son front était soucieux. Il ne pouvait plus se permettre d’hésiter… Il n’avait pas confiance, mais quel autre choix lui restait-il ? Dans quelques minutes, les deux Drakes seraient détruits. Cette infernale tour pourrait alors tourner ses armes contre ses troupes au sol.
- J’espère, madame, que vous êtes sûre de vous !
Dieter von Eisenbach, régent de Drakenland et archiduc de Bayern se tourna pour dévisager une silhouette emmitouflée dans un long manteau noir. Elle répondit d’un rire féminin. Le visage qu’elle leva vers le régent resta plongé dans l’ombre du capuchon, mais les lèvres très rouges dessinèrent un sourire moqueur.
- De la théorie ? Absolument sûre… mais j’admets que le passage à la pratique peut nous réserver quelques surprises.
Sans un mot de plus, la femme pivota sur ses talons pour pénétrer dans une grande tente. Deux mages se tournèrent vers elle. Ils avaient tracé un pentacle sur le sol et le comparaient à un parchemin.
- Montrez cela…. Oui, cela à l’air parfait. Commençons. S’san, allez chercher le prisonnier.
L’homme serpent ouvrit un pan de la tente et fit entrer deux soldats qui poussèrent une créature difforme. Une longue robe d’un tissu semblable à du satin vert l’enveloppait. Son visage était invisible derrière un masque de jade aux traits monstrueux.
- Je vois que vous êtes en bonne forme, Shaggat.
- Hella !
La démone rit et rabattit son capuchon. Un flot de cheveux gris cendres retombèrent sur ses épaules. Ses yeux étaient mauves et lumineux, étrange contraste avec sa peau brune et satinée. Face à une telle beauté, les gardes en oublièrent de respirer. La baronne de Noires-Nuées leur dédia un sourire amusé, elle était habituée à une telle réaction.
L’ancien bras droit de Raum n’était pas dans le même état d’esprit, ses yeux parcoururent rapidement la pièce.
- Ecoutez… j’ai tenu ma parole… j’ai aidé les humains…
- Bien sûr Shaggat. Je suis certaine que vous voulez continuer, n’est-ce pas ? Bien ! Voulez-vous bien entrer dans le pentacle ? Cela ne prendra qu’un instant.
- Non… je vous en prie
- Entrez dans le cercle !
De la main, la baronne fit le geste de l’attraper et de le tirer à elle. Ils étaient à plusieurs mètres de distance, mais le sorcier de T’zench se souleva du sol et roula au milieu du cercle magique. Les glyphes se mirent immédiatement à rayonner. Shaggat s’efforça de se relever mais il s’immobilisa comme une mouche engluée dans une toile d’araignée.
- Qu’est-ce que vous voulez faire ? Hella !
Hella Malthus eut un sourire à faire froid dans le dos et commença à incanter une sombre mélopée.
La tour volante puisait son énergie directement des profondeurs des Abysses. Ce phénomène provoquait une sorte de tourbillon de nuage qui restait immobile au dessus d’elle. Par moment, surtout lorsque l’étrange édifice avait besoin de puissance, un rayon plongeait au cœur du maelstrom.
Dans son combat contre les Drakes impériaux, la fortification puisait à pleine puissance dans l’énergie du chaos. Le faisceau de clarté vacilla soudain, s’éteignit avant de se rallumer brièvement pour s’éteindre définitivement. Les nuages en rotation ralentirent leur course tandis que, lentement, la tour commença à pencher et à perdre de l’altitude. Ses écrans d’énergie avaient disparu et ses armes s’étaient tues…
La base de roche, sur laquelle le maléfique beffroi s’appuyait, était baignée de sillons de lave ardente. Une craquelure s’ouvrit d’un seul coup et à grand fracas tandis qu’une première explosion fit surgir un jet de flamme par une meurtrière. A l’agonie, secouée par les dévastations qui se succédaient en son sein, l’étrange artefact agonissait.
Partout sur le champ de bataille les yeux se levèrent vers le spectacle de l’agonie de la tour. Des milliers de Gobelins hurlèrent de terreur. Les orques reculèrent. Un cri formidable se leva au contraire parmi les rangs humains. Au moment où la touchait terre, sa base se désintégra en une formidable détonation. Aspergés d’une pluie de moellons et de flammes, les humanoïdes se mirent à courir en lâchant leurs armes. Sans la puissance surnaturelle qui les avait guidés, ils n’étaient plus que les ressortissants d’une dizaine de tribus rivales. Ils n’avaient plus le courage, ni la cohésion pour affronter les humains.
Sous la tente, Hella Malthus baronne de Noires-Nuées releva sa capuche. Elle salua d’un bref signe de tête le régent qui venait d’entrer. Le vieil homme déglutit, ses yeux fixaient une silhouette humanoïde comme faites de charbons, encore ardente, qui achevait de crouler en cendre au milieu du pentacle.
- Je venais vous remercier…
- Il n’en est nul besoin, régent. Ah… un dernier détail.
La démone des Abysses s’immobilisa devant les deux gardes sa main passa devant leurs yeux. Figés comme des statues ils fixèrent le sol de la tente.
- Dormez… dormez… et lorsque vous vous réveillerez… vous aurez oublié tout ce qui s’est passé en ces lieux.
Le régent tourna les yeux vers l’extérieur de la tente. De la tour ne restait qu’un tronçon couché sur le flanc et ravagé par les flammes. Partout où portait le regard, les peaux vertes refluaient pourchassés par les humains…
L'honneur n'est qu'un bien personnel, le plus précieux, certes. Mais l'honneur n'est pas une qualité pour l'exercice de cet art délicat qu'est la guerre.
Re: Nouvelles de malhuin
Tu as une version doc de l'ensemble des chapitres ? (Pour ma liseuse)
Re: Nouvelles de malhuin
Le roman n'est pas terminé et ces deux chapitres en sont à leur quatrième réécriture...
L'honneur n'est qu'un bien personnel, le plus précieux, certes. Mais l'honneur n'est pas une qualité pour l'exercice de cet art délicat qu'est la guerre.
Re: Nouvelles de malhuin
J'ai écris quelques poèmes japonais (des haikus) aujourd'hui dans le train.
La règle de création du haiku est que le poème doit être de la longueur d'un souffle. sans entrer dans le détail des régles de création, il faut cependent respecter une certaine métrique. C'est ce qui donne le caractère haché du poème.
Dans les monts Amanites
humilié encore vivant
je pleure
Le printemps des blessures
pleure
au milieu des cerisiers fleuris
Auflanc de la cuvette
sous le pâle soleil éternel
dix mille cadavres
La lumière du soleil
l'interdit-on
au coeur qui soupire
Papillon au-dessus
un regard
asphalte et fumée
Miroir d'eau
ridé au souffle du vent
déjà vieux
Tu es soldat
saison éphémère
cerisier
Une fourmi seule
ou une armée
l'herbe intacte
Mon logis abandonné
un moucheron sale
le soleil filtre
Sur les corps des soldats
la rosée
dépose des larmes célestes
La vie que lie la mort
dans le sang
de la femme accouchant
La règle de création du haiku est que le poème doit être de la longueur d'un souffle. sans entrer dans le détail des régles de création, il faut cependent respecter une certaine métrique. C'est ce qui donne le caractère haché du poème.
Dans les monts Amanites
humilié encore vivant
je pleure
Le printemps des blessures
pleure
au milieu des cerisiers fleuris
Auflanc de la cuvette
sous le pâle soleil éternel
dix mille cadavres
La lumière du soleil
l'interdit-on
au coeur qui soupire
Papillon au-dessus
un regard
asphalte et fumée
Miroir d'eau
ridé au souffle du vent
déjà vieux
Tu es soldat
saison éphémère
cerisier
Une fourmi seule
ou une armée
l'herbe intacte
Mon logis abandonné
un moucheron sale
le soleil filtre
Sur les corps des soldats
la rosée
dépose des larmes célestes
La vie que lie la mort
dans le sang
de la femme accouchant
L'honneur n'est qu'un bien personnel, le plus précieux, certes. Mais l'honneur n'est pas une qualité pour l'exercice de cet art délicat qu'est la guerre.