Et les sièges dans les histoires médiévales fantastiques. Rien que dans mes romans, il n'y a que l'embarras du choix.
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Pas un seul rayon de soleil ne venait effleurer Shidre.
Un suaire d’un gris de fumée cachait le ciel. Une hydre tentaculaire nourrie par les flammes d’un millier de brasiers. L’ancienne place forte ambiannaise s’étalait dans un chaos de ruines. Les bâtiments autrefois fièrement dressés étaient désolés. Les rues et les places se couvraient maintenant de décombres.
A cette distance, les murailles résonnaient de grondements sourds, transformées par le pilonnage en gigantesques caissons de résonances. Broum, broum, le fracas se répercutait de place en place. Il investissait la chair, coulait dans les veines, s’infiltrait dans les os, envahissait les rêves et la mémoire devenant aussi intime au corps que l’était le battement du cœur.
Une tour d’observation de la troisième muraille servait de Q.G. à Valendil. Depuis ses hourds, le spectacle était encore plus terrifiant que le fracas des projectiles. La plaine et les collines proches étaient couvertes d’uniformes noirs ou rouges qui convergeaient vers les tranchées d’investissement.
- Attention !
Lomion saisit son général par l’épaule et lui montra un trébuchet ennemi. L’avertissement venait trop tard. Le bras de la machine de guerre venait de se détendre. En un instant la boule de feu grossit démesurément, laissant une trace ignée sur son passage. Heureusement, le boutefeu rata la tour de quelques mètres pour s’écraser au milieu des rues proches. Au point d’impact, une nouvelle colonne de fumée empuantit l’atmosphère, témoignage de la naissance d’un énième foyer d’incendie.
Ceberhas frissonna, conscient de la dangerosité de la situation. Tourné vers la plate-forme de tir du Couillard, il interpella les servants dans leur langue :
- Ya harri hoi ! Ghâsh shiema! Gorgathulûk !
- Ai, golugagoth !
Les Gobelins avaient identifié le danger et s’activaient déjà. Avant que les assiégeants ne puissent rectifier le tir, un bloc de roc s’écrasait sur leur machine, la pulvérisant complètement.
Satisfait, Valendil revint à la scène préoccupante qui se déroulait à quelques encablures. Trois gigantesques tours d’assauts de cinq étages avaient franchi une section du fossé comblée par les sapeurs. La première s’approchait déjà d’un pan de muraille affaiblis par les bombardements. Des boulets avaient disloqué les protections de bois et écrêtées les parapets, privant les assiégés de tout abri.
Lorsque le pont-levis s’abattit, on entendit un formidable cri sortir de la gorge d’une nuée de Gobelins. Montant à l’assaut, ils se répandirent sur le chemin de ronde.
- Nar !
Tinruth venait de brandir son épée pour désigner les assaillants qu’il surplombait. Son ordre fut suivit d’une volée de flèches qui ouvrit une trouée béante dans les rangs des Gobelins. Touchés par les traits mortels, les humanoïdes battaient des bras et basculaient dans le vide. Leurs cris de terreur et de douleur firent hésiter les premiers rangs mais derrière eux, d’autres les remplaçaient.
Aux portes des tours, les Gobelins butèrent sur une phalange de lanciers elfiques. Les guerriers vomirent des insultes et foncèrent en avant, décidés à emporter l’obstacle par un assaut brutal. Cependant, la violence était insuffisante contre de telles défenses. Alors que les Elfes empilaient les cadavres devant leurs lignes, les archers décimaient les arrières ennemis. La détermination des Nômides en fut ébranlée. Malgré tout, le danger n’était pas encore écarté. Les autres tours mobiles se rapprochaient des murailles. Des volées de flèches enflammées s’abattaient sur elles, tentant d’y bouter le feu. Mais l’ennemi avait anticipé. Les tours étaient couvertes de peaux fraîches que l’on avait enduites de vinaigre puis recouvertes de terre.
La deuxième machine de guerre était arrivée à une vingtaine de mètres des remparts. Dans ce genre de situation désespérée, le feu grégeois accomplissait des miracles. C’était une arme effroyable, un liquide meurtrier qui s’enflammait au moindre choc et continuait à brûler même sur l’eau. On utilisait divers moyens pour le projeter sur l’ennemi, depuis des fusées stridentes et indociles, jusqu’à des tubes lance-flammes à pompe. Ces derniers étaient des engins de mort très instables et connus pour exploser. Un réservoir contenant un mélange de pétrole très fluide et de résine de cèdre était pompé jusqu’à un tube de bronze protégé par un bouclier.
Soudain, on entendit un grondement formidable. Jaillie d’une tour, une boule de feu suivie d’une traînée ignée longue d’une lance s’abattit avec violence. De l’huile enflammée se répandit partout, se communiquant aux structures de planches. L’horreur saisit l’équipage. L’engin menacé par le feu, ils sautaient dans le vide au milieu d’atroces hurlements.
La vision de leurs camarades transformés en torches vivantes glaça les guerriers qui avaient pris pieds sur les murailles. Ils se débandèrent sans demander leurs restes. Même les régiments de réserves perdirent tout courage. Battre en retraite leur sembla soudain plus sain que de monter à l’assaut de cet enfer.
Un formidable hourra traversa le chemin de ronde. Partout où portait le regard, l’ennemi reculait.
- Monseigneur ?
Valendil abandonna son poste d’observation pour se tourner vers l’homme qui venait de l’appeler. C’était un officier fopalite en morion et demi-plaque. Un genou à terre, il attendait que le prince elfe lui fasse signe de s’exprimer.
- Qu’y a-t-il ?
- Je reviens de la tour soixante-sept, monseigneur. Notre situation y est des plus précaire. L’ennemi a réussit à amener un bélier juste au pied des murailles.
- Un bélier ?
- Oui, monseigneur. Il est gigantesque et actionné par des Trolls.
- Avez-vous essayé de l’incendier ?
D’un geste l’Elfe montra les tours qui continuaient à flamber. Mais l’officier se contenta d’un signe de tête affirmatif.
- Le feu n’a pas pris. Il hésita… « En fait les flammes se sont brisés sur une sorte de… mur invisible. »
Valendil sursauta. Un instant, il envisagea de demander au Fopalite de répéter ce qu’il venait de dire. Cependant, l’expression tendue de l’officier ne l’informait que trop bien de la réalité de l’information.
- Un sorcier ?
- C’est aussi ce que j’ai pensé, monseigneur.
- Lomion !
L’officier Elfe se retourna.
- Oui ?
- Trouve-moi un des sorciers du gouverneur. J’ai besoins de lui à la tour soixante-sept.
- Où voulez-vous que j’en trouve ?
- Demandez à D’Esaskaris.
Lomion allait obtempérer, mais son général le rappela.
- Il me faut des renforts.
L’air dubitatif de son officier en second frappa Valendil.
- Un problème ?
- Non des moindres, ironisa-t-il, quels renforts ?
Le capitaine des chevaliers-fées conduisit son chef vers une section de la tour qui dominait la place utilisée pour le rassemblement des troupes de réserves. A part la compagnie de cavalerie chargée de défendre le prince de Galadhorn et quelques débris d’unités en triste état, il ne restait plus personne.
- Nous sommes déjà engagé jusqu’aux limites de la rupture.
- Laisse tomber, j’y vais seul. Contente-toi de trouver le sorcier.
Faisant signe à l’officier fopalite de lui ouvrir la voie, Valendil descendit l’escalier sur ses talons. Une petite poignée de ses soldats les suivait en compagnie de son écuyer. Les renvoyer n’aurait servi à rien. Depuis le combat contre le linnorm, l’Elfe soupçonnait sa mère d’avoir donné des ordres pour que l’on assure sa sécurité en toutes circonstances. En l’occurrence, les désirs de la reine avaient bien plus de poids que les siens.
Arrivé aux créneaux, la petite troupe traversa les rangs des archers pour rejoindre le segment de muraille qui dominait celui qu’attaquait le bélier. Depuis la tour, on ne pouvait pas voir les sapeurs ennemis, trop proches du second rempart. Mais les tercios fopalites installés sur le chemin de ronde étaient clairement visibles. Ils avaient organisé une chaîne humaine pour jeter pierres et boulets par les mâchicoulis. D’autres rechargeaient les arquebuses des tireurs dissimulés par les hourds.
Ce coin de fortification avait beaucoup souffert. L’une des tours qui encadraient le rempart avait perdu ses deux derniers étages. Le chemin de ronde s’était en parti effondré. La brèche avait trois mètres de large et autant de haut. A ses pieds, du côté intérieur, civils et militaires s’activaient. Un échafaudage avait été levé pour permettre aux ouvriers de réparer les dégâts. Aidés par des poulies, ils hissaient des blocs de pierre et évacuaient les gravats.
Carriers, terrassiers et gâcheurs de mortiers avaient un travail des plus ingrats. Ce qu’ils reconstruisaient, l’ennemi s’acharnait à le détruire. En les regardant, Valendil Ceberhas songea à la légende du chaudron d’abondance des Grands Rois Elfes. Ce qu’ils faisaient semblait aussi vain que vouloir le vider.
- Seigneur Valendil ?
- C’est moi, à qui ai-je l’honneur ?
Le Fopalite qui s’avançait sourit. Malgré le bandage ensanglanté serrant son front, l’homme paraissait en de bonnes disposions. L’Elfe serra la main qu’il lui tendait.
- Je suis l’officier commandant ce secteur. Je vous remercie d’être venu si vite. Toutefois je crois qu’en définitive votre aide nous sera inutile. Désolé de vous avoir dérangé.
- Vous l’avez tué ?
- Le sorcier ? A force, oui. Nous lui avons lancé des mines. J’ai bon espoir de pouvoir maintenant détruire…
Un cri venant de la seconde ligne de rempart lui coupa la parole. Tous les yeux se tournèrent vers la tour intacte. Un homme avait ouvert la fenêtre de l’échauguette.
- L’ennemi se replie !
Un concert d’acclamation salua la nouvelle. Sur le rempart proche, les tercios s’embrassaient, heureux du dénouement…
Sans transition, Valendil se retrouva au sol alors que des pierres de toutes tailles bombardaient la plate-forme au milieu des poussières et des fumées. Une formidable détonation faisait encore tinter ses oreilles…
Péniblement redressé, le prince Elfe s’immobilisa pour regarder les murailles démantelées. Son esprit peinant à comprendre ce qu’il voyait. Comme par un fantastique glissement de terrain, plus de six mètres de fortification s’était effondrée en avant. La pente et le fossé s’étaient transformés en un chaos de rocs brisés.
Une sape…
Les béliers n’avaient fait que dissimuler la pose d’une mine dans une brèche de la muraille !
Ceberhas se secoua, tentant d’échapper à la stupéfaction horrifiée qui le clouait sur place. De toute part s’élevait le son des trompettes et des clairons. Les bataillons qui se terraient dans les tranchées brandirent leurs étendards pour se ruer vers la brèche. Beaucoup portaient avec eux des échelles de sièges. En leur vue un déclic se fit dans l’esprit du général elfique.
Secouant les soldats et les officiers qui se relevaient, il pointa son épée vers les rangs des Mamelouks.
- Ouvrez le feu ! Vite ! Tous les hommes valides sur les remparts !
Lentement la torpeur se dissipait parmi les assiégés. Un canon, puis deux, des archers, des arbalétriers, des arquebusiers, un feu d’enfer se concentra sur les assaillants, décimant leurs rangs. Mais d’autres bataillons, tant et plus, montaient en première ligne.
Venu d’autres sections du rempart, les renforts affluaient dans les hourds. Lorsque les premières échelles s’appuyèrent sur les murs, hallebardes, épées et projectiles divers accueillirent les nouveaux arrivants.
Ne vous étonnez pas de rencontrer des Gobelins parmi les assiégeants et les assiégés, je crois plus dans la géopolitique que dans des races "bonnes" ou "mauvaises".
Ce passage montre l'arrivé d'un bêlier protégé par un bouclier magique.
Cet autre passage montre l'attaque d'un linnorn, un dragon sans aile des légendes scandinaves
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Un bruit de course fit retourner l’état-major. Un jeune officier montait les escaliers à toute vitesse. Il chercha des yeux le gouverneur et obliqua vers lui. Sous la suie qui maculait son visage juvénile, l’homme était blême. Ses cheveux étaient transformés en une chaume noircie. L’uniforme ne valait guère mieux, brûlés en maints endroits.
- Monseigneur, monseigneur !
- Que se passe-t-il ?
- Un dragon, monseigneur ! L’ennemi nous a envoyé un dragon !
Dans son affolement, le jeune homme avait oublié toute retenue. Il saisit l’amiral par le bras, cherchant à l’entraîner vers l’escalier. A la suite du prince d’Esaskaris, Valendil essayait de démêler les explications que l’officier donnait à son supérieur. Le messager était au bord de l’hystérie. Il bégayait, buttant sur les mots les plus simples. Par moment, il se répétait comme s’il voulait exorciser les visions de cauchemars qu’il décrivait.
Une sorte de grand serpent avait quitté les retranchements ennemis pour se diriger vers les murailles. Un serpent ? Oui, une créature reptilienne avec des grands bras à l’avant du corps. Pas d’ailes ? Non, elle rampait comme un serpent en ondulant. De quelles armes disposait-elle ? De l’acide, le dragon crachait de l’acide!
Valendil serra Alexis par l’autre bras.
- Ce n’est pas un dragon, mais un linnorm.
- Un quoi ?
Les yeux de l’Elfe étincelèrent.
- Un serpent de chaleur. Un cousin nordique des dragons distinct dans le fait qu’il ne vole pas et n’a pas son intelligence. Il y en a différentes espèces. On les reconnaît à leurs habitats et à leurs souffles. Le linnorm marin hante la mer d’Eatling et brise les navires de la force de ses anneaux. Il peut cracher de l’eau bouillonnante. Le linnorm de glace vit sur la banquise et n’a pas de souffle. Par contre, il a le pouvoir de créer le froid et modèle la glace comme de la glaise. Le linnorm des collines est le seul à avoir quatre pattes. Lui non plus n’a pas de souffle mais il est rusé et sait tendre des embuscades. Notre « ami » est un linnorm de feu, il crache de l’acide mais n’est ni le plus grand ni les plus intelligent de ses frères. Gouverneur, allez chercher vos sorciers ! Je vais réunir mes soldats.
Le gouverneur n’hésita qu’un instant.
- Entendu.
Ils se séparèrent.
Le prince de Galadhorn se précipita vers les remparts. En chemin, il rencontra Tinruth, le chef des archers montés. Grimpant les escaliers de la tour de guet, ils furent accueillis par le drongaire de la porte. L’officier leur indiqua des formations de Gobelins qui commençaient à sortir des tranchées. Devant eux, progressaient une monstruosité serpentine.
Malgré la chaleur de l’été, Valendil sentit un frisson glacé lui parcourir l’échine. Par les souvenirs de son père, il reconnaissait le serpent de chaleur. C’était une créature hideuse. Le corps était sinueux, obèse, d’un gris sale traversé de grosses veines malsaines. Par endroit, des moisissures et des algues s’accrochaient à ses écailles. La tête ressemblait par sa forme à celle d’un cheval. Il y avait même une sorte de crinière de poils crasseux.
Le monstre avait déjà dépassé les boulevards dévastés par l’ artillerie des Nômides. Sur les remparts, archers et arbalétriers commençaient à affluer. Impuissants, leurs traits cliquetèrent sur les écailles d’acier du linnorm. Quelqu’un hurla de tenir prêt les canons, mais il était déjà trop tard…
Le serpent de chaleur s’était trop rapproché des murs. D’une ondulation, il se redressa, dominant soudain le chemin de ronde. Les soldats s’étaient immobilisés, pétrifiés par l’horreur. Valendil s’arc-bouta au parapet. A plein poumon, il leur ordonna de se mettre à couvert et de s’éloigner des ouvertures. Cela suffit à certain pour sortir de leurs transes mortelles. Pour la plupart, l’avertissement venait trop tard.
Il y eut un formidable grondement lorsque le monstre ouvrit les mâchoires. Un nuage de fumée verte jaillit de ses naseaux. Soudain, le linnorm cracha une bulle de liquide glauque et bouillonnant.
Le globule corrosif éclata au contact des hourds posés en renfort du chemin de ronde. Une multitude d’éclaboussures se répandirent sur le toit. Là où elles tombèrent, les bannières s’enflammèrent en un instant. Les tuiles et les poutres se percèrent d’une multitude d’abcès fumeux. Au point d’impact, la toiture se disloqua. En dessous, douchés par l’acide, les hommes hurlèrent. Une goutte du fluide suffisait à les traverser de part en part et à les tuer en un instant.
Dépouillée de la chair et des madriers, la roche des murailles grésilla. L’abominable fluide coulait sur la paroi, laissant de profondes marques calcinées.
Ce que les plus puissantes machines de guerre auraient mis des jours à accomplir, le linnorm le fit en l’espace de quelques minutes. Un pan entier des murailles se retrouva écrêté. La pierre résista. Mais les longs serpentins de venin s’infiltrèrent dans le mortier pour le désagréger. Des quartiers de rocs se détachèrent pour éventrer les créneaux.
Une silhouette s’interposa soudain. Une forme enveloppée dans une longue robe rouge. Dans la pénombre du capuchon, on discernait le visage pincé et les yeux globuleux d’un Hobgobelin. Insignifiant en comparaison de son ennemi, la créature brandissait un long bâton. La pièce de bois noir et d’ivoire était gravée de runes métalliques.
Le linnorm se rapprocha, pensant abattre son contradicteur sans difficulté. Mais le sorcier n’était pas privé de défense. Le globule bouillonnant sembla heurter un mur d’air brutalement solidifié. Le champ de force ondula, rejetant le venin qui creusa une tranchée dans le sol.
L’événement dépassait l’intelligence limitée du serpent de chaleur. Stupéfait, il ondulait sur place en reniflant bruyamment. Sans lui laisser le temps de se reprendre, le sorcier braqua vers lui son lourd bâton de pouvoir. Les runes brasillèrent et l’air s’électrisa. Un arc de puissance se forma pour unir le Hobgobelin et sa victime.
Le flash éblouit Valendil. Les mains pressées sur le visage, il titubait quand un hurlement de douleur ébranla la citadelle. Projeté au sol, le Faë entendit un formidable fracas de pierre brisé secouer la muraille.
La commotion le laissa un instant hébété. Pourtant, la peur agissait comme un stimulant. Appuyé au balcon de bois, il regarda la muraille en contrebas. Une large portion du périmètre s’était effondrée. C’était le linnorm qui l’avait détruite dans sa chute. Le monstre était blessé. Mais il en fallait bien plus pour en venir à bout. Il se redressait déjà, portant ses mains à sa poitrine.
Malgré les ténèbres et les mouches colorées qui lui troublait encore la vue. L’Elfe vit les écailles carbonisées et la fumée qui s’élevait de la meurtrissure. Le monstre gémit et tourna la tête sur la gauche. Une forme inanimée gisait au milieu des gravats. Sa robe rouge était celle du sorcier
Cet autre passage, montre l'attaque d'oiseaux-rocs (tirés des contes des mille et une nuit).
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Le premier rempart avait été complètement abandonné, et de nombreuses barricades avaient été érigées en hâte là où le deuxième mur avait été ébranlé. Ces trouées mobilisaient toute l’attention des sapeurs ennemis. A partir des dernières positions tenues par les armées assiégeantes, le génie avait creusé plusieurs tranchées d’investissement.
En certains points, ces ouvrages atteignaient déjà le fossé. S’il avait encore été en eau, cela n’aurait peut-être pas été aussi grave. Toutefois, les pionniers ennemis avaient détourné la rivière qui l’alimentait. Malgré les tirs, ils s’employaient maintenant à combler cet obstacle avec des fascines et des déblais. Lentement, comme en d’autres endroits, l’ouvrage s’approchait du boulevard extérieur.
C’était une situation potentiellement très dangereuse.
Juste derrière leur position, des trébuchets bombardaient les murailles d’outres de feu grégeois et de monceaux de pierres. Encore plus loin, à l’abri des batteries défensives, des tours d’assauts et des mangonneaux étaient lentement acheminés vers les premières lignes. Des régiments d’infanteries gobelines les encadraient, traînant avec eux béliers et abris montés sur roues.
Détournant sa lunette des lignes ennemies, Valendil regarda les archers et les arbalétriers de la garnison en position sur la seconde muraille. Ils échangeaient des tirs avec des soldats erviens abrités derrière des mantelets. Ces derniers couvraient les pionniers oeuvrant sur les douves. Les sapeurs se déplaçaient entre des lignes de pavois mobiles. On leur avait aussi alloué un escadron de gardes équipés de grands boucliers de tour. Chaque membre du génie travaillait sous la protection de son cicérone personnel. Le point positif était qu’un dispositif aussi lourd ne pouvait que ralentir les travaux.
- Tùna, donne-moi mon arc.
Sans un mot, l’écuyer présenta l’arc long de son maître et un carquois de flèches de guerre empennées de plumes de cygne. Depuis le sommet de la tour, Valendil bénéficiait d’une excellente ligne de mire. Il ne s’en trouvait pas moins loin de sa cible.
Sa respiration bloquée, l’Elfe d’Argent ramena la corde d’arc jusqu’à sa tempe pour viser l’un des pionniers erviens. La pression était énorme au bout des doigts du faë. Les dents serrées, il guetta une faute du porteur de bouclier. Heureusement, le dos tourné à l’homme qu’il protégeait, il ne pouvait anticiper tous ses mouvements. Son travail terminé, l’homme du génie se releva. Sa tête dépassa in instant du bord du pavois. Aussitôt, la flèche siffla pour terminer sa course dans la gorge de sa cible. Battant les bras, il s’abattit comme une bûche. Son protecteur se retourna et offris son large dos à un nouveau trait.
Deux morts dans leur camp en quelques secondes, les erviens furent balayés par un vent de panique. Archers et arbalétriers avaient repéré le tireur. Ils décochèrent un grand nombre de projectiles qui vinrent se ficher dans les hourds.
Adossé à une poutre de soutient, Ceberhas vit Lomion se glisser jusqu’à lui.
- Alors glorieux général, comment vous portez-vous ?
- Au lieu de plaisanter, trouve-moi un moyen de me débarrasser de ces enquiquineurs.
Le chef des Fatys se tourna vers la plate-forme. Il se préparait à appeler les servants du Couillard en train de remettre en branle leur machine. A ce moment, l’écuyer du prince se redressa, le bras tendu vers l’extérieur.
- Je crois que les archers sont un problème secondaire.
Les deux officiers retournèrent à la balustrade. En effet, il y avait quelque chose de beaucoup plus dangereux en approche. Des rangs ennemis s’élevaient des rapaces aux proportions monstrueuses. Dans leurs serres, ils emportaient ce qui semblait être des quartiers de rocs de taille à fracasser les murailles. Ces monstres étaient pilotés. Là où le cou et les ailes se rejoignaient, une haute selle supportait un cavalier.
- Des Rocks vassanides !
En quelques battements d’ailes, les monstruosités volantes avaient dépassé les murailles pour commencer le bombardement de la ville. Libérés des griffes des rapaces, les blocs de pierres fracassaient les maisons sur lesquelles on les lâchait. Cependant, les rochers n’étaient pas les seules armes dont les oiseaux avaient été dotés. Certains des Rocks avaient été chargés de quelque chose de bien plus terrible.
Impuissant, les trois Elfes virent le feu grégeois ravager rues et bâtiments. Les vastes urnes portées par les monstres répandirent un liquide poisseux qui s’écoula rapidement pour tout recouvrir. Un instant plus tard, il s’embrasait. Les cris de douleur et de terreur s’élevaient de toute part.
- Il faut arrêter les incendies.
Lomion s’était jeté en avant, mais Valendil le retint d’une poigne de fer. Le faisant tourbillonner de force, il le mit face à la balustrade. Le camp ennemi était entré en ébullition, des bataillons entiers rejoignaient les tranchées menant aux murailles.
- C’est une diversion de Morgil ! Tùna, va chercher Tinruth. Que ses archers s’occupent des Oiseaux Rocks. Toutes les autres unités doivent rester sur leur position. Sonnez l’alerte générale ! Il hésita un instant puis ajouta, un ton plus bas : « Je crains que ce ne soit le prélude à l’assaut final. »