En tout cas, dites moi ce que vous en pensez, et si un disciple de Capello en a le courage, je ne suis pas contre une petite correction !
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- Ce gars nous a roulé, il y a pas un chat dans cette clairière, on dirait que la forêt est déserte tellement c’est silencieux ! Tirons-nous, rentrons à l’auberge, bien au chaud devant la cheminée…
- … Une coupe d’hydromel à la main je suppose…
- Tout juste !
- Va te beurrer à l’auberge si ça te tente, moi je reste là. On a un rendez-vous dans ce bois, et je n’y manquerais pas !
- T’est chiant avec tes principes !
- C’est un paladin qui dit ça à un chevalier déchu, où va le monde…
Thordain jura en Nain et s’apprêtait à lui envoyer la rétorque quand une voix s’éleva des arbres :
- Qui que vous soyez, sortez de ce bois, ou je vous en chasserais, et ce sera à ma manière. Compris ?
- Madame, ou mademoiselle. C’est votre beau-père qui nous envoie, il nous a dit où vous trouver ; veuillez nous excuser mais nous ne pouvons partir ! Répondit Erwan
- Ah bah, moi si ! Pas de problème ! Fit remarquer Thordain.
Erwan lui flanqua une tape à l’arrière du crâne pour lui intimer l’ordre de se taire. Un bruissement de feuilles se fit entendre ; moins d’une seconde plus tard, la mystérieuse interlocutrice sauta du haut d’un arbre et se rattrapa sur les jambes. Elle s’avança et adressa un large sourire à Erwan avant de lui dire :
- C’est ce vieux renard qui vous envoie, cela ne m’étonne pas de lui. Il croit que je lui suis redevable de tout !
C’était une elfe à en juger par sa carrure et ses oreilles. D’apparence jeune, elle ne paraissait pas avoir plus d’une vingtaine d’années elfiques, bien que sa nature elfe pouvait tromper sur son âge réel, qui devait avoisiner les soixante-dix années humaines. Son accoutrement, un habit constitué d’un corset de cuir à l’air résistant, d’une sorte d’un short serré fait du même matériau et de longues bottes qui lui montaient jusqu’en dessous de genoux, et qui faisait paraître des tatouages tribaux rouges sur les jambes et le bas du ventre, et même un sur le visage, ornant son œil gauche. Elle était équipée d’un sabre elfe constitué d’une bonne lame courbe en acier damasquiné et surtout d’un excellent arc sylvain, redouté pour sa puissance et sa cadence de tir. Mais ce qui émerveillait Erwan, ce n’était ni ses habits, ni son équipement terriblement efficace, mais c’était sans conteste sa beauté, qui, même pour les êtres délicats que sont les elfes, était exceptionnelle. Ses cheveux lisses, blond or, encadraient un visage parfait, mais doté de l’air sauvage d’un enfant des bois, ses yeux d’un magnifique vert émeraude semblaient plonger le chevalier dans un état comateux, ses courbes fines et sa silhouette de rêve le laissait sans défense. Son regard semblait tendre, mais ne faisait pas douter qu’il pouvait changer d’une minute à l’autre, se faisant inquisiteur ou pernicieux. Ses muscles fins et ciselés lui permettait de courir plus vite que n’importe quel homme, faire des acrobaties démentielles avec une aisance stupéfiantes et de mettre en pièces l’homme susmentionné à mains nues.
Son cœur s’emballa, il lui semblait même qu’il allait exploser dans sa poitrine. Lui qui avait combattu des morts-vivants, des guerriers orcs, des trolls, des corrompus et mêmes des démons, ne pensait pas pouvoir résister plus d’une trentaine de secondes à une telle femme. Il allait se laisser choir dans des bégayements sensés vouloir signifier des compliments… Quand une exclamation à demi plaintive de Thordain le tira de son -magnifique- rêve éveillé :
- Oh non ! Déjà que je supporte limite les hauts-elfes, les Elfes noirs et ces fichues drows, alors pas une sylvestre, par pitié ! Elles sont pires que les autres !
Le sourire doux de l’elfe se fit mi-figue-mi-raisin quand son regard se porta sur son interlocuteur :
- Parce qu’elles te rabattent ton caquet de nain superstitieux mieux que les autres, ou juste parce que tu ne supportes pas les personnes plus intelligentes que toi ?
- Comme qui, mademoiselle la pimbêche ?
-La liste est longue, railla la combattante : les humains, les elfes, les orcs, les trolls, les drakkaris, les autres nains, les carniens, les aégiens, les ogres, les wulfgars, les faunes, les morts-vivants, les oiseaux, les limaces… Je continue ou tu as compris ?
Thordain la jaugea du regard… Et rit d’un rire fort et clair avant de déclarer :
-Génial, bienvenue dans le groupe !
-Fais attention à ta santé mentale, parce que ce qu’il vient de faire, c’est son humour. Fit remarquer Erwan, Et il carbure à la vanne lourde !
-Je m’y suis habitué, j’ai habité trois mois en ville, on me vannait beaucoup. Je suis une sylvestre donc pour la populace, une sauvageonne.
Thordain tenta d’utiliser la dernière phrase de l’elfe dans une boutade aussi drôle qu’un génocide, heureusement, Erwan prit la parole à temps pour éviter un bide qui aurait coûté la réputation –déjà peu enviable- du nain.
-Je compatis… Oh ! Veuillez m’excuser nous ne nous sommes pas présentés comme il se doit. Mon nom est Erwan Fortelame, et le nain irrespectueux et imbibé, là, Dit-il en désignant d’un signe de tête son compagnon –qui lui lança un regard assassin- s’appelle Thordain Brisefer. Et vous ?
- Moi, c’est Ellana.
- Si cela ne vous dérange pas, j’aimerai rentrer, mon outre est presque vide et j’en ai marre de me les geler dehors !
Le groupe se mit en route vers Tarios. Durant tout le temps du voyage, Erwan ne détacha ses yeux de l’elfe que quelques secondes. Durant une pause, la rôdeuse le remarqua.
-Erwan, demanda Ellana, tu dévores du regard toutes les femmes de la même façon, ou est-ce que je reçois un traitement de faveur ?
Le chevalier devint écarlate et une expression gênée se dessina sur son visage. Il voulut se défendre, ouvra la bouche, se ravisa, la ferma ; puis baissa le regard. De toute évidence, il était totalement désorienté. Ellana, étonnée par la réaction du chevalier, qui, d’apparence, semblait être du même acier que son armure, ricana.
Un hurlement sinistre s’éleva soudainement, en provenance de la forêt. Un hurlement surnaturel, celui d’un démon enragé… ou de plusieurs démons enragés. Thordain se leva, empoigna son maillet avant d’avertir ses compagnons :
-Faites gaffe ! C’est sans doute une fichue troupe de chiens des enfers !
- Ca ne peut pas être des démons, je patrouille dans la forêt depuis ce matin ! S’exclama Ellana.
Les deux hommes se concertèrent du regard, l’air inquiet. Thordain conclut finalement, l’air grave :
- Il y a donc un chef de meute avec eux, et ils se sont téléportés : il y a sûrement une dizaine de chiens avec un Traqueur.
Il demanda en tournant les yeux vers l’elfe :
- Ellana ?
- Oui ? Répondit-elle.
- C’est le moment de prouver ce que tu vaux au combat.
- J’ai la corde de mon arc qui me démange, qu’ils viennent !
Le premier chien sortit d’un buisson, et, rien qu’en le voyant, on pouvait deviner qu’il était la triste œuvre d’une magie démoniaque : des cornes lui poussait sur les tempes, sa peau avait été arrachée, comme celle de tous les démons et ses muscles était à nus, rouges et meurtris, sa bouche comportait deux terribles rangées de dents, chacun de ses crocs étant affuté comme une lame de rasoir et effilé comme un poignard, ce molosse tout de muscles et de rage, renforçait encore son impression de sauvagerie sans limite par des excroissances osseuses sur les vertèbres et des ergots lui terminant les pattes. Cette machine à tuer n’était de plus pas seule, car après un court laps de temps, deux de ses congénères sortirent des buissons. Ellana banda son arc et décocha trois traits à une vitesse faramineuse, le premier des molosses s’effondra, touché en pleine tête, tandis que le second fut gravement à la patte. La troisième flèche décochée par l’elfe effleura le jarret du premier chien et alla se perdre dans la végétation… d’où un mugissement de douleur s’éleva… et d’où un démon blessé au genou et deux chiens émergèrent. Ce fut au tour des deux guerriers de s’élança à corps perdu dans le combat.
-Je me charge des chiens ! Ordonna Erwan à Thordain, Toi, occupe-toi du démon.
-Par la rancune naine… Cria le nain
-…Et par le sang de mes aïeuls… Renchérit Erwan
-… A l’attaque !!! Terminèrent-ils en chœur
Erwan s’arrêta à quelques dizaines de mètres de chiens, prêt à frapper. Le molosse le plus proche bondit sur le chevalier, qui lui assena un direct dans la truffe, le chien infernal s’écrasa sur le sol, hors combat. Il fonça sur sa prochaine victime et la trancha en deux d’un revers de sa lame. Un autre cabot tenta de lui mordre le mollet, mais son ardeur fut stoppée par une flèche entre les deux yeux. Erwan donna un grand coup de pied dans la tête de son dernier agresseur, son sang tacha le sol tandis que sa cervelle rose s’échappa des fissures de son crâne. Une salve de flèches s’abattit sur les survivants, les six flèches, porteuses de mort à la vitesse incomparable, se plantèrent toutes dans la chair des molosses infernaux, qui s’écroulèrent, vaincus par la pluie de projectiles acérés. Les chiens avaient été balayés en moins de deux minutes. Ellana était sans nul doute une archère au talent immense.
Thordain chargea le traqueur en psalmodiant une incantation. Le démon hurla et se jeta sur lui, n’importe quel autre homme aurait tourné les talons face à cette monstruosité écorchée et dotée d’une force herculéenne, aux cornes dépassant des tempes et au hurlement si terrifiant. N’importe quel homme l’aurait supplié de bien vouloir l’épargner, n’importe quel homme. Mais pas Thordain. Jamais un paladin, un guerrier de la lumière, n’aurait fui devant un démon, car tel était leur devoir : Détruire la corruption, le mal et la vermine. « Protéger et servir » n’est pas leur devise, mais bien « Tuer les démons et leurs sbires ». Alors que les deux combattants allaient se percuter, entamant le combat, Thordain hurla :
- Vade Retro !
Le démon s’immobilisa instantanément, suspendu en plein saut, comme si le temps s’était figé. Le paladin en profita pour le liquider, il sauta, brandissant son maillet au-dessus de sa tête, puis l’abattit sur celle du démon, qui fut oblitérée par le coup de marteau. Le sang coulait à flot du crâne fracassé et le cerveau du démon gicla allégrement, tachant l’armure argentée du paladin. Il se retourna, un grand sourire aux lèvres et retourna vers ses compagnons, marchant sur les cadavres sans leur accorder le moindre regard.
-Belle baston, non ? Demanda Thordain, tout guilleret.
Ses compagnons acquiescèrent.
-T’est plutôt bonne à l’arc, finalement. Complimenta Erwan.
-J’ai usé du minimum de mes compétences, si je les avais utilisées pleinement, ils auraient tous été balayés avant le début du corps-à-corps!
-C’est ce qu’on dit ! Railla le nain.
Une flèche siffla aux oreilles de Thordain, qui s’indigna :
-T’aurait pu me tuer, cette flèche est passée à un poil de ma tête !
- Quand je te dis que je suis passée maître dans l’art du tir à l’arc. Dit Ellana, un sourire carnassier aux lèvres.
Ils reprirent la route vers la ville, comme si l’incident n’avait pas eu lieu. Le chemin fut calme et sans encombre, l’air frais du printemps leur donnait une énergie impérissable et un moral d’acier.
Ils arrivèrent bientôt devant les murailles de Tarcios et voulurent passer le pont qui surplombait la rivière. Ils furent stoppés par un homme obèse au visage patibulaire habillé d’une tunique – relativement- blanche et d’un tablier de cuir, un couteau de boucher à la ceinture. Il leur barra le passage et dit d’une voix bourrue :
- Si vous voulez passer, il faut payer !
Le visage de Thordain se renfrogna, Erwan poussa un soupir d’agacement tandis que les traits d’Ellana se durcirent.
- Combien ? demanda le chevalier.
- Vingt pour toi, vingt-cinq pour le nain et… heu… quarante pour l’elfe.
-Quoi ?! Quatre-vingt-cinq pour nous tous ?! C’est de l’arnaque ! S’exclama le Thordain.
Ellana ignora le voleur et voulu passer. L’homme la saisit mollement par le bras pour l’empêcher de passer
- Ça vaut aussi pour toi, ma mignonne. Dit-il avec un sourire malsain.
- T’a posé la main sur moi ? Demanda l’elfe avec une voix de colère contenue.
- Ouais et…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, Ellana lui saisit le poignet et le lui cassa. Le mécréant hurla de douleur. L’elfe n’eut aucune pitié, elle lui assena un violent coup dans l’appareil génital, qui le fit se plier en deux, et mit fin à la correction en lui saisissant le crâne, pour l’abattre sur son genou avec le bruit affreux du cartilage se brisant sous un puissant choc. Ses compagnons la regardaient, pétrifiés, partagés entre ne rien dire, la complimenter ou, au contraire, la réprimander. Ils choisirent la première solution. Ellana leur fit signe de s’avancer. En passant, elle crachat au visage de l’homme encore en train de se rouler par terre, la bouche grande ouverte, du sang dégoulinant de son nez cassé, humilié –et dont les servantes dormiraient tranquille pendant quelque temps-. Les gardes impériaux s’écartèrent devant eux, avec en eux un sentiment mêlé de respect et de peur.
Les aventuriers avancèrent dans la grande avenue où se trouvait l’auberge dans laquelle Erwan et Thordain avaient pris une chambre. C’était le jour du marché, des marchands discutaient de la pluie et du beau temps avec des clients tandis que des colporteurs bonimentaient sur leurs produits, vantant les qualités –plus ou moins réelles- de leurs marchandises. Une odeur agréable et forte flottait dans l’air, cela sentait les épices, la charcuterie, la viande cuisant à la braise, le délicat parfum émanant d’un bouquet de fleurs. Les couleurs chatoyantes et variées des articles déposés sur les étals rajoutaient une dimension visuelle à l’impression de diversité émanant du marché. Erwan et ses compagnons traversèrent l’avenue sans s’arrêter pour admirer les étals. Les gens regardaient Ellana d’un œil inquisiteur, comme des passants regarderaient un singe, comme si l’elfe était une bête curieuse.
- Ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, expliqua l’archère d’une voix découragée, on attribue beaucoup de choses aux elfes sylvains, pas que de belles choses, et peu de choses ayant une partie de vérité.
- J’ai aussi connu cela, déclara Erwan, les paysans nous prenaient, moi et ma troupe, pour des maraudeurs. Les gens étaient terrorisés et crachaient dans notre dos. Je sais donc ce que tu ressens quand la populace médit sur toi.
Ils arrivèrent enfin à l’auberge et entrèrent. Réputée pour sa bière chaude et surtout pour son cocktail Apocalypse, Le Repos du Voyageur était un établissement convivial, au personnel sympathique et au patron attachant, un de ses petits commerces pouvant se vanter d’être une vraie entreprise familiale. A l’inverse d’autres auberges –trop nombreuses-, les lits n’étaient pas constitués d’une paillasse infestée de puces et d’une couette miteuse, mais de vrais lits en bois avec des matelas douillets, des draps soyeux et une couverture chaude et douce, avec ce qu’il faut d’hygiène et d’ameublement. De plus, les repas y étaient là-bas excellents et il n’était pas rare que des personnes aillent au Repos du Voyageur uniquement pour sa gastronomie. La salle était constituée d’une gigantesque pièce remplie de chaises et de tables, avec une grande cheminée et un comptoir. Les tabourets et le bar étaient légèrement surélevés par rapport au reste de la salle, derrière le bar en question se trouvait la cuisine, d’où s’élevait un délicieux fumet.
-Erwan ! Te voilà ! Je désespérais de te voir aujourd’hui ! Lança le tavernier.
-Je n’allais pas dormir dans ma tente en pleine forêt en sachant qu’un bon lit et un repas m’attendait au Repos du voyageur ! Répondit Erwan avant de prendre dans ses bras son interlocuteur. Ellana, je te présente Main-de-Soufre, patron et barman de cette magnifique taverne !
L’homme semblait être un jeune adulte, de tout au plus vingt-sept ans, le visage bien rouge, un nez presque aquilin trônant sur son visage, tandis que ses deux yeux marron où semblaient danser de petites flammèches accentuaient son aspect jovial. Ses cheveux mi- longs d’un roux sombre mélangé au marron étaient, même si bien entretenus, coupés inégalement, et lui donnait un petit air de combattant. Sa barbe complète était cependant fine, et le tavernier semblait y porter un soin tout particulier. Son regard chaleureux ne cachait cependant pas la nature de son humour favori, mis au grand jour par son visage moqueur : le sarcasme. Mais au vu d’un tel homme, sûrement sympathique et bienveillant, on pouvait passer à côté de ce détail minime. Il arborait une tunique rouge dont les manches s’arrêtant aux coudes laissaient voir une partie de ses avant-bras : Musclés. Pas autant que ceux du chevalier –d’ailleurs, quel humain peut-il espérer égaler la musculature d’un chevalier impérial ?- Mais sa stature ne semblait pas être due au travail, mais à quoi sinon ? Aucune importance. Le sentiment qui émanait de Main-de-Soufre était sans conteste l’assurance. Une personnalité forte pour un homme charismatique.
-Et moi alors, je compte pour du beurre ? Dit Thordain avec un air feignant ironiquement l’indignation.
Main-de-Soufre salua Ellana avec un air amical avant de s’adresser à Thordain qui s’était avancé. Le nain lui adressa une bourrade à l’épaule à laquelle le barman répondit par la même façon. Puis il s’adressa au chef du trio :
-Votre chambre est toute prête, par contre il n’y a que deux lits, et vu que toi et Thordain ne…
-On va plutôt prendre une deuxième chambre. Le coupa Erwan
-Pourquoi, suis-je laide à ce point ? Demanda Ironiquement Ellana
-Tu… non… enfin…. Nous ne… tu… Balbutia le chevalier, rouge comme une tomate trop mûre et totalement désemparé par sa situation.
- Oui, tu l’est, et pas qu’un peu ! Railla Thordain.
L’elfe demanda, en feignant la colère :
-Vous avez jamais eu envie de faire la peau à ce nain impertinent ?
- Mes rêves sont essentiellement constitués de sa cervelle grillant sous mes sorts… Dit Main-De-Souffre, l’air blasé.
-Un autre vin chaud, siouplé. Demanda un milicien prenant sa pause.
- Le devoir m’appelle ! Vos chambres sont les 15 et 16. Dit le patron en leur donnant les clés des suites.
Et il s’en alla servir le gardien de la paix. Les compagnons allèrent déposer leur barda dans leurs chambres, puis descendirent pour s’installer au comptoir et prendre un repas. Ellana demanda deux cuisses de poulet marinées, Erwan, lui commanda une entrecôte bien cuite tandis que Thordain, le moins raisonnable des trois –normal pour un nain- exigeât un sanglier farci avec du choux, des patates et des carottes, ainsi qu’un plein tonneau d’hydromel. Si l’elfe et l’humain tenaient à ne pas s’en mettre partout, le nain, lui, dévorait son repas comme le porc qu’il mangeait, la graisse enduit ses mains tandis que l’hydromel lui trempait la barbe, l’armure et le comptoir. Ses compagnons repoussèrent leurs assiettes, dégoutés.
-Il mange toujours comme ça ? Demanda Ellana, écœurée.
-Oh non ! lui répondit Erwan, l’air blasé. Là il n’a pas vraiment faim…
-Et il est comment quand il est affamé ?
-Au mieux ? Répugnant.
-Et au pire ?
-Gerbant…
- Ça fait du bien par où sa passe ! S’exclama le nain une fois son œuvre de dévorement à moitié accomplie.
-C’est ce que je me dis à chaque fois que j’épingle un ennemi. Ironisa Ellana.
-Pimbêche, arrogante, idiote et en plus sadique… Se désola Thordain.
-Thordain ? Demanda le chevalier.
-Oui ? Répondit le nain encore en train de mâcher une pleine cuillère de choux.
-La ferme.
Le paladin obéit et se tût, non sans quelques grognements de désapprobation. Les aventuriers passèrent quelques temps au comptoir pour discuter –et descendre quelques chopines de bière-, puis allèrent se coucher. La nuit leur fut douce et calme, bercés par les chansons et éclats de rire venant du comptoir, la chaleur réconfortante d’une couette et le confort d’un lit bordé à la perfection ainsi que celui d’un matelas ni trop dur, ni trop mou, leur assurèrent un sommeil profond et décontractant.
Erwan se réveilla avec un grand bâillement, il s’étira et se leva de son lit. Pas de doute, le Repos du Voyageur portait bien son nom, une nuit dans le lit douillet de l’auberge l’avait autant revigoré qu’un mois de sommeil dans son duvet de mercenaire ! Thordain dormait comme un bébé… ou plutôt comme un ogre ! Après sa cuite de la veille, il ronflait comme un vieux moteur et grognait des paroles –si c’en était- complètement inintelligible. Le laissant à son sommeil, il s ‘habilla pour descendre dans la grande salle, quand quelqu’un toqua à la porte, il alla ouvrir : personne.
-Service d’étage ! Cria une voix aigüe et aux sonorités faisant penser aux lutins.
Erwan sursauta et baissa le regard…et constata qu’un petit gobelin habillé d’un uniforme de serveur se tenait devant lui. Il portait un petit plateau où trônaient une théière, une tasse, des tartines grillées à point, du lard cuit au fumet délicieux, une baratte de beurre, un pot de miel et de la gelée de pommes. Main de souffre avait bonne mémoire : Tout les ingrédients formant son petit déjeuner favori étaient réunis sur un plateau. Il se mit à la hauteur du gobelin et lui adressa une petite bourrade à l’épaule
- Salut Stink, qu’est-ce que tu deviens ?
- Serveuse… Répondit le petit peau-verte avec un air de chien battu.
Erwan éclata de rire avant de prendre le plateau
-Garde le moral, dit-il au gobelin, garde le moral…
Il entra dans la chambre et ferma la porte. Puis entama le repas… La mauvaise nouvelle, c’est que Thordain sentit le repas…
-Manger…
-Non, non, mon gars, c’est juste un petit déjeuner pour moi, t’aimerait pas : il y a du thé !
- Tartine…
-Pain au thé.
-Bacon…
Le chevalier s’empressa de plonger son morceau de viande dans sa boisson, avant de terminer :
-Trempé dans le thé.
Le nain émit une longue plainte, avant de se remettre à ronfler
Il dégusta son repas –délicieux- : le lard était grillé au poil et ne souffrait d’aucune parcelle de gras, le thé –jaune- provenait des terres elfes : son thé préféré. Le pain, lui était croustillant et gouteux, un de ses pains s’accordant avec tout. Avant de s’en rendre compte, il avait mangé toutes les tartines sans avoir touché à la confiture. La mangeant à la cuillère, il se mit à réfléchir à leur mission : Où trouver le liquide ? Comment le chercher ? Une fois trouvé, qu’en faire ? Et si jamais ils n’y parvenaient pas ? Le gout sucré de la gelée de pommes le tira de ses noires interrogations. Une fois le pot fini, il alla dans la salle, il constata qu’Ellana était déjà levée, équipée et semblait attendre les deux hommes.
-Il cuve encore le nain ? Demanda-t-elle avec un sourire en coin.
-Ouais ! Il est totalement dans le coma ! Répondit Erwan.
- Ca ne m’étonne qu’à moitié, il s’est encore repris trois tonneaux d’hydromel après que vous soyez partis vous coucher. Il était ivre mort ! Dit le barman
Le chevalier complimenta chaleureusement le patron pour le petit déjeuner avant de s’assoir à côté de l’elfe.
- Dit voir, Main-de-Soufre, c’est comment une tenir une auberge ? Demanda Erwan.
- C’est relaxant, on n’a pas trop de soucis à se faire. Ce n’est pas comme si on avait des taxes sur tout et n’importe quoi ! Non, franchement, c’est un bon métier. Et puis, ça à deux-trois avantages, si tu vois ce que je veux dire…
- De l’herbe de Shel et des conquêtes d’un soir… Dit le chevalier en bougeant la tête dans un signe de négation. T’as pas changé…
Main-de-Soufre acquiesça en riant. C’était en effet un coureur de jupons et un fumeur d’herbes illicites invétéré, pour l’un comme pour l’autre ! Un bruit de dégringolade s’éleva de la chambre quinze, suivit d’un énorme juron en nain. Les trois compères éclatèrent de rire en devinant l’état de Thordain
-Stink, tu peux apporter le petit déjeuner pour notre ami le nain, je pense qu’il est réveillé !
-Pourquoi, est-ce que j’écope systématiquement des missions suicide…
Erwan regarda s’en aller le gobelin avec le plateau.
-Il à l’air dépressif.
-Il est comme ça depuis qu’on lui a dit de plus utiliser de la dynamite dans l’auberge…
Car en effet, Stink n’était pas le vrai nom du gobelin, mais un surnom qu’il s’était donné en tant qu’artificier d’un groupe d’aventurier formé d’Erwan, Thordain, Main-de-soufre et lui-même. Certains adoraient le feu et étaient pyromanes, d’autres comme lui, adoraient les explosions et étaient des « Kaboomanes » comme il aimait le dire. Le petit gobelin leur avait sauvé la mise plus d’une fois, que ce soit en faisant sauter un paquet d’ennemis coriaces ou en explosant un mur ou un éboulement, l’artificier était passé maître dans l’art d’utiliser les explosifs.
-Au fait, demanda Ellana à Erwan, j’aurais pu le demander plus tôt, mais, pourquoi mon beau-père voulait-il me voir ?
-En fait, nous sommes en mission pour lui. Il existe un liquide capable de rendre surpuissant quiconque en boit, ne serait-ce qu’une gorgée. Votre bel-oncle en a besoin pour une expérimentation. Mais il se trouve que la mission est très risquée, il nous faudra aller dans des coins reculées et dangereux pour aller chercher le fluide en question. Il nous a parlé de vous et de vos talents d’archère, et nous a dit où vous trouver. Votre beau-père nous a dit que, au contraire de nos précédentes missions, seuls, moi et Thordain ne pourrions remplir cette quête. Donc il nous a conseillé d’aller chercher de l’aide là où nous pourrions en trouver.
-Il s’emmerde pas dis-donc, s’emporta Ellana, même pas prévenue, même pas demandé mon avis, bonjour la courtoisie !
-Vous savez, vous n’êtes pas obligés de venir, c’est juste une proposition ! Dit Erwan qui regrettait déjà de lui avoir proposé de l’abandonner.
-Non, je vais venir, dit l’elfe avec un grand sourire, cela ferait trop plaisir au nain de savoir que je vous laisse, et puis… elle posa main sur l’épaule du chevalier et s’approcha jusqu’à son oreille pour pouvoir lui susurrer avec la voix la plus sensuelle possible… j’adore te faire perdre tes moyens…
Elle recula doucement. Erwan était spirituellement entre la vie et la mort : il allait mourir d’excitation et de désir. Cet instant presque magique entre Ellana et lui –ou plutôt son fantasme- fut brisé –une fois de plus- par un Thordain bruyant, qui dévala comme une furie les marches de l’escalier avec un bruit assourdissant, il fonça vers le comptoir sauta sur un tabouret qui failli céder son poids et sous celui du harnois qu’il avait enfilé. Il vociféra à Main-de-Souffre :
-Un truc qui dessoule ! Vite !
- Lait de griffon ?
- Un truc qui dessoule, j’ai dit, pas un truc qui assomme les Krözh !
- Sang de Vouivre ?
- Plus fort !
- Cocktail Apocalypse ? Tu veux mourir ou quoi ?
- Envoie-moi ça !
Le lait de griffon et le sang de vouivre sont respectivement l’alcool le plus fort et la boisson énergisante alcoolisée la plus efficace sur le marché ! Un cocktail apocalypse –surnommé ainsi pour l’impression donnée quelques secondes après l’absorption- mélange du piment arrache-langue homme-tigre, du citron bleu et du Sang de vouivre avec un soupçon de lait de griffon, il est réputé pour plonger dans le coma éthylique quelqu’un n’y étant pas habitué, mais une fois bu –si vous y survivez- vous aurez de l’énergie pour faire un kilomètre en sprintant ! Main-de-Souffre prépara avec attention la boisson…
- Tu la veux chaude ?
-Porte moi-ça à ébullition !
Le barman posa ses mains sur le shaker en céramique, au bout de quelques secondes, on entendit un bouillonnement. Ellana fut intriguée mais ne posa pas de questions, comme si la préparation de ce cocktail requérait calme et concentration.
- Fait attention, pas cul sec, ça pourrait te tuer.
Il servi Thordain… qui but la boisson d’un trait ! Il devint rouge comme du sang, ses joues se gonflait et ses dégonflaient comme des bajoues de hamster, un fin filet de fumée sorti de sa bouche –sûrement un morceau de lard supportant mal le cocktail-, ses yeux gonflèrent comme des ballons de baudruche, il respirait à grand-peine et se mit à taper du poing contre le comptoir, il toussa longtemps et fortement sous les regards inquiétés de ses camarades, ceux intrigués des clients et celui, blasé, du barman. Il releva la tête, se tourna vers ses camarades et dit avec une rapidité incroyable :
-Quand c’est que où qu’on y va ?
Thordain fonça dans sa chambre, prépara son barda, et sortit en courant de l’auberge. Il fonça dans la rue, hurlant comme un fou. Erwan et Ellana tentèrent de le rattraper, bientôt suivi du patron. Thordain sortit de la ville en un rien de temps, bouscula la foule, passa la douane sans même s’arrêter et se mit à courir sans but dans la cambrousse, ses amis sur les talons, à une douzaine de mètres derrière. Il défonça une cabane à outils, passant à travers comme à travers du papier journal… et s’effondra quelques mètres plus loin. Les trois compères se penchèrent au-dessus de sa carcasse. Thordain regarda Main-de-Souffre, avant de dire, les yeux écarquillés et la bouche en cul de poule :
-Ouah ! Sa dessoule dis-donc !
Stink arriva peu de temps après avec les affaires des aventuriers.
-Merci Stink, dit Erwan, c’est sympa de nous ramener notre équipement… mais… pourquoi y’ a-t-il trois paquet ? Thordain a déjà son paquetage !
C’est Main-de-Souffre qui lui répondit :
-J’avais demandé à notre ami le gobelin de préparer mon équipement, j’ai entendu l’objectif de ta venue à Tercios. J’ai même été légèrement frustré que vous ne m’ayez pas demandé mon aide !
Erwan se remémora les combats passés avec Main-de-Souffre à ses côtés, le plus mémorable restait celui contre les skavens dans la vieille mine abandonnée :
« Ils avançaient sur le qui-vive, ayant déjà croisé quelques hommes-rats. La pénombre environnante était seulement troublée par les torches des aventuriers. Ci de là, une goutte d’eau tombait, s’écrasant sur le sol avec un bruit augmenté jusqu’à en devenir stressant par l’acoustique particulière des galeries souterraines, un rat se pressait sur le sol en criant, un chef skaven et sa troupe de combattants fonçait à la rencontre du trio avec… Des skavens ?
Un chef Skaven, une trentaine de guerriers des clans, une quinzaine de coureurs des profondeurs, quelques jezzails, une escouade de globadiers, deux pourrisseurs, une dizaine de vermines de choc et un maudit garde Skaven.
Les guerriers de clans ne poseraient pas un réel problème, bien gérés ils devenaient juste une bande de rats dégénérés et bardés de fer. Les Jezzails allaient être plus difficiles à vaincre, ses arquebusiers skavens allaient en effet être d’un grand secours contre les trois guerriers. Les coureurs s’étaient ramenés, seuls, ils sont faibles comme des gobelins, en grand nombre, ils deviennent plutôt embarrassants… enfin…Ils deviennent des plaies. Cela commençait à devenir sérieux avec les toxiques: armés de couteaux et de globes de verre remplis de gaz toxique, ils étaient le cauchemar de tout combattant –sachant qu’un globe entier de gaz suffit à vous liquéfier les poumons-, même la meilleure armure ne peux rien contre du gaz, insidieux, mortel et instoppable. Les vermines de choc, infanterie d’élite des skavens, s’annonçait être les plus difficiles à vaincre après les pourrisseurs, le garde et le chef. Equipés d’armures lourdes et de bardiches, ils devenaient puissants par le nombre, et le nombre, les skavens n’en manquent pas. Les pourrisseurs allaient poser l’un des plus gros soucis au trio : ses skavens rongés par la maladie, vénérant la corruption charnelle et utilisent leur pestilence et leur infection pour se battre, ils allaient à coups sûr pourrir la vie des guerriers ! Sachant que la moindre blessure infligée de leur main gangrène instantanément, et, dans le pire des cas, pourrit ! Le garde représentait un challenge ardu : Il s’agit d’un skaven géant –mutation bâtarde entre un ogre et un rat- équipé d’une armure et d’une hallebarde si énorme et lourde que deux orcs ne parviendraient même pas à soulever. Un coup de sa part, et c’est la mort assurée ! Le chef skaven était grand, fort et charismatique. Il endossait une armure de plates rudimentaire sur laquelle était plantée la bannière des Goreglingers, le clan skaven du Sud de l’Empire, armé d’un long tranchoir et d’une épaisse chaîne de fer, il semblait pouvoir massacrer n’importe quel ennemi.
Qui n’aurait pas fui devant la horde déchaînée se tenant devant les trois guerriers ? Pas eux en tout cas.
Qui n’aurait pas vainement imploré la pitié des skavens ? Surement pas les trois mercenaires.
Qui aurait combattu sans espoir cette armée de monstres poilus et avides de sang ? Eux, sans doutes et sans craintes.
Ils s’élancèrent, chargeant un ennemi plus nombreux et plus fort, ils hurlèrent un cri de guerre et confortèrent leur marche. Les skavens répondirent par un long hurlement avant de foncer. Les rangs skavens furent frappés de plein fouet par une énorme boule de feu qui s’écrasa sur leur première ligne, tuant une dizaine d’ennemis, plus que vingt guerriers des clans.
Erwan fonça, il décapita un skaven, en trancha un autre en deux, en bouscula puis piétina un autre, empala deux ennemis sur sa claymore, tourbillonna, son épée devant lui, pour créer un flot de sang qui le trempa entièrement et inonda le sol… sept… sept ennemis étaient morts dans l’exécution de sa mortelle technique. Un skaven lui sauta sur le dos pour le stopper, le chevalier le saisit et le fit passer au-dessus de sa tête et l’abattit sur le sol, puis lui écrasa la tête sous sa botte, la –petite- cervelle du skaven giclant par les fentes de son crâne broyé. Il poursuivit sa terrible œuvre sans broncher, instoppable, tranchant, parant, écrasant, tuant. Trois ennemis lui foncèrent dessus en hurlant, le premier fut repoussé par un coup de botte dans le ventre, le second fut décapité par la lame du chevalier et le dernier le dernier reçu un petit globe de feu dans le visage, tué sur le coup, puis Erwan finit la besogne qu’il avait commencée en empalant le dos du skaven. Il poursuivi le carnage, ses ennemis fauchés par sa claymore comme le blé l’est par la faux. Les skavens survivants se jetèrent tous sur lui en même temps et tandis que trois étaient découpés par un coup de taille, les trois autres furent instantanément carbonisés. Erwan adressa un salut militaire à Main-de-Souffre, qui lui répondit de la même façon, avant de le rejoindre.
Thordain, pendant ce temps s’était retrouvé face aux deux pourrisseurs, lui qui pouvait se soigner car étant paladin, s’était une aubaine pour lui ! Cependant, le nain n’eut même pas l’occasion d’utiliser sa prodigieuse magie. Il arracha d’un coup de maillet les deux jambes d’un pourrisseur puis lui écrasa le crâne. Le second pourrisseur se jeta sur lui et tenta de lui arracher les yeux, il répondit en le saisissant à l’arrière de la tête et l’écrasant contre son front, le cerveau et le liquide cérébral infecté du skaven, mélangé à un sang ou nageaient des petites boules noires, lui trempant le visage. Les pourrisseurs qui auraient été imbattables pour n’importe quel autre combattant, avaient été massacrés en moins de deux minutes.
- Tu voulais ma tête ? Tu l’as eu !
Main-de-Souffre se retrouva face aux vermines de choc, il esquiva un coup de bardiche et tira sur le manche de l’arme pour amener à lui le guerrier… qu’il empala sur sa lame. Un autre tenta de le trancher en deux, il s’embrasa une seconde puis s’effondra en un tas de cendres. Le pyromancien entonna une incantation, puis se mit à genou –ce qui le sauva d’une décapitation- pour planter son épée dans le sol, une large vague de feu en jaillit en une grande ligne droite, les quatre skavens situés sur cette ligne se trouvèrent projetés avec une force inouïe et prirent feu, il s’assommèrent lors de leur chute, hors-combat –et surement carbonisés dans quelques minutes - Les quatre combattants restant se concertèrent du regard puis s’élancèrent sur leur adversaire en hurlant. Le premier d’entre eux fut transpercé par l’épée du guerrier, le second tomba en cendre, le troisième eu la tête brûlée par une la main incandescente du pyromancien, le dernier failli le tuer… failli : Main-de-Souffre para le coup, une déflagration de feu frappa alors, et le skaven s’effondra, le torse ainsi que le visage brûlés au troisième degré.
- Merci le bouclier de flammes. Déclara Main-de-Souffre, avec une expression sadique.
Erwan, Thordain et Main-de-Souffre, trio mortel.
-Je m’occupe du garde ! Déclara le chevalier
-Les ratleurs vont maudire le jour de leur naissance ! Ricana Thordain
-Les toxiques vont s’en brûler les doigts ! Dit Main-de souffre, un sourire carnassier aux lèvres.
Main-de-souffre sprinta vers les globadiers, sachant qu’il avait peu de temps avant qu’ils ne lancent leurs mortels projectiles. Il fit pleuvoir les sorts : avant même d’arriver au contact, trois ennemis s’effondraient, il parvint au corps-à -corps et décapita l’un des deniers globadiers, mais le survivant brisa le globe sur la tête du pyromancien… qui commença à suffoquer. Il eut tout juste le temps de tuer le derniers globadiers avant de tomber à genoux. Le mage rampa difficilement hors du nuage et s’arrêta, cloué au sol par la douleur intense qu’il ressentait à la poitrine.
Thordain chargea les skavens, il était à mi-chemin quand un cri de skaven retentit :
- Ratleurs !
-Oh non ! Désespéra le nain
Les huit tireurs firent feu, les munitions explosèrent au contact de l’armure du paladin. Celui-ci accusa le coup : il fut blessé au plexus et à la jambe, mais, ignorant la douleur, il courut avec une ardeur décuplée. Il frappa sans pitié les skavens, dont un avait déjà été piétiné et un autre jeté en l’air par le choc de la charge, il abattit son maillet sur les têtes et les os, massacrant ses ennemis. Au bout de deux ou trois minutes, il ne restait des skavens qu’un tas d’os broyés et de chair malmenée.
Erwan faisait pâle figure face au rat-ogre : la créature devait peser au moins un quintal et mesurer trois mètres de haut ! Proportions phénoménales qui laissaient pourtant de glace le chevalier, il plongea au sol pour éviter un coup qui aurait tué un éléphant sur le coup, puis se releva, esquivant ainsi le pied du monstre. Le rat-ogre le saisit de sa main libre, puis resserra son étreinte pour le broyer. Erwan planta sa lame dans la main du monstre, qui le lâcha avec un mugissement plaintif. Il roula au sol pour éviter un fulgurant estoc et se releva aussi rapidement que possible. Il passa derrière les jambes du monstre et lui trancha le tendon d’Achille droit. Le Garde mugit de douleur et voulut se retourner, mais son pied, devenu incontrôlable, l’en empêcha et il ne dût qu’a à sa bardiche plantée dans le sol de ne pas tomber. Erwan profita de ce laps de temps pour lui assener un second coup d’épée, le ligament du pied gauche fut sectionné net. Le monstre s’écroula, encore en vie, mais déséquilibré. Le chevalier lui monta sur le torse et lui planta son épée entre les deux yeux. Comment est-ce qu’un humain de un mètre quatre-vingt et pesant quatre-vingt-quinze kilos sans son armure, avait-il pu vaincre une telle abomination aussi facilement. Cela semblait irréalisable. Pas si l’humain se nommait Erwan, et pas si il était un ancien chevalier impérial.
-Fini ? Demanda Thordain.
-Fini. Répondit Erwan. Et toi Main-De-Souffre ?
Pas de réponse
-Main-de-Souffre ? Répéta le paladin, inquiété.
Il l’aperçut, étendu sur le dos, toussant et crachant des glaires sanglantes à profusion.
-Merde ! Ils ne l’ont pas loupé! S’exclama Thordain.
- Soigne-le ! Lui dit son camarade. Moi je vais…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, il fut happé par une chaîne de fer. Spirale parfaite, obtenue après des années de pratique sur la même arme, elle l’entrava totalement, ne lui laissant presque aucune chance de s’en sortir. Il fut tiré par… Le chef Skaven. Entouré par ses quinze coureurs des profondeurs.
-Erwan !
-T’occupes pas de moi ! Soigne-le, et grouille!
Déchiré entre Main-de-Souffre et Erwan, le paladin décida d’exaucer les –dernières- volontés du chevalier, il s’empressa de soigner Main-de-Souffre grâce à ses pouvoirs de paladin.
Erwan tenta de se relever, mais il était totalement entravé, incapable du moindre mouvement. Le chef leva sa lame, prêt à achever son ennemi… Quand le métal du manche de son arme se mit à chauffer, lui brûlant la main. La dextre se mit à fumer sous la chaleur infernale du métal. Il hurla comme un damné et lâcha son arme, puis ce fut toute son armure qui chauffa à blanc. La paume de sa main et sa peau brulée au second degré, il tomba à genoux, fou de douleur. Le chevalier en profita pour sortir de l’étau, juste à temps car les coureurs se jetaient sur lui. Il para un coup de sabre et contre-attaqua, il décapita un ennemi, provoquant un flot de sang qui aspergea allègrement les protagonistes dans les environs, avant de se baisser pour éviter un coup à la tête pour porter un uppercut sur un Skaven dont la mâchoire vola en éclats, puis se releva pour empaler un autre adversaire. Profitant de cet instant, un coureur lui enfonça sa lame dans le flanc, suffisamment pour percer son armure et faire couler abondamment son sang, le chevalier contre-attaqua en lui tranchant la tête. Il envoya un coup de heaume dans le nez d’un Skaven puis avança pour trancher en deux un autre homme-rat. Il ne vit pas arriver un des coureurs, qui bondit sur lui et lui planta ses lames dans les omoplates. Le skaven voulut l’achever, mais, au moment où la lame allait atteindre le chevalier, l’homme-rat tomba en cendres ainsi que trois de ses camarades. L’instant d’après, une explosion se produisit au cœur même des rangs de coureurs, réduisant en charpie trois des cinq skavens survivants. L’un des deux derniers coureurs s’effondra, frappé dans le dos par la lame du pyromancien, tandis que dernier tentait d’éteindre le feu qui brûlait sa chair et ses habits. Main-de-Souffre était arrivé juste à temps, salvateur pour le guerrier en armure. Le chef se relevait juste à ce moment, le skaven fonça sur le pyromancien mais fut jeté à terre par la charge furieuse de Thordain. Il tenta de se relever, mais le marteau du nain, lui écrasant la tête, l’en empêcha.
-Adieu les rats… Lâcha Main-de-Souffre, un sourire féroce aux lèvres.»
- … Une coupe d’hydromel à la main je suppose…
- Tout juste !
- Va te beurrer à l’auberge si ça te tente, moi je reste là. On a un rendez-vous dans ce bois, et je n’y manquerais pas !
- T’est chiant avec tes principes !
- C’est un paladin qui dit ça à un chevalier déchu, où va le monde…
Thordain jura en Nain et s’apprêtait à lui envoyer la rétorque quand une voix s’éleva des arbres :
- Qui que vous soyez, sortez de ce bois, ou je vous en chasserais, et ce sera à ma manière. Compris ?
- Madame, ou mademoiselle. C’est votre beau-père qui nous envoie, il nous a dit où vous trouver ; veuillez nous excuser mais nous ne pouvons partir ! Répondit Erwan
- Ah bah, moi si ! Pas de problème ! Fit remarquer Thordain.
Erwan lui flanqua une tape à l’arrière du crâne pour lui intimer l’ordre de se taire. Un bruissement de feuilles se fit entendre ; moins d’une seconde plus tard, la mystérieuse interlocutrice sauta du haut d’un arbre et se rattrapa sur les jambes. Elle s’avança et adressa un large sourire à Erwan avant de lui dire :
- C’est ce vieux renard qui vous envoie, cela ne m’étonne pas de lui. Il croit que je lui suis redevable de tout !
C’était une elfe à en juger par sa carrure et ses oreilles. D’apparence jeune, elle ne paraissait pas avoir plus d’une vingtaine d’années elfiques, bien que sa nature elfe pouvait tromper sur son âge réel, qui devait avoisiner les soixante-dix années humaines. Son accoutrement, un habit constitué d’un corset de cuir à l’air résistant, d’une sorte d’un short serré fait du même matériau et de longues bottes qui lui montaient jusqu’en dessous de genoux, et qui faisait paraître des tatouages tribaux rouges sur les jambes et le bas du ventre, et même un sur le visage, ornant son œil gauche. Elle était équipée d’un sabre elfe constitué d’une bonne lame courbe en acier damasquiné et surtout d’un excellent arc sylvain, redouté pour sa puissance et sa cadence de tir. Mais ce qui émerveillait Erwan, ce n’était ni ses habits, ni son équipement terriblement efficace, mais c’était sans conteste sa beauté, qui, même pour les êtres délicats que sont les elfes, était exceptionnelle. Ses cheveux lisses, blond or, encadraient un visage parfait, mais doté de l’air sauvage d’un enfant des bois, ses yeux d’un magnifique vert émeraude semblaient plonger le chevalier dans un état comateux, ses courbes fines et sa silhouette de rêve le laissait sans défense. Son regard semblait tendre, mais ne faisait pas douter qu’il pouvait changer d’une minute à l’autre, se faisant inquisiteur ou pernicieux. Ses muscles fins et ciselés lui permettait de courir plus vite que n’importe quel homme, faire des acrobaties démentielles avec une aisance stupéfiantes et de mettre en pièces l’homme susmentionné à mains nues.
Son cœur s’emballa, il lui semblait même qu’il allait exploser dans sa poitrine. Lui qui avait combattu des morts-vivants, des guerriers orcs, des trolls, des corrompus et mêmes des démons, ne pensait pas pouvoir résister plus d’une trentaine de secondes à une telle femme. Il allait se laisser choir dans des bégayements sensés vouloir signifier des compliments… Quand une exclamation à demi plaintive de Thordain le tira de son -magnifique- rêve éveillé :
- Oh non ! Déjà que je supporte limite les hauts-elfes, les Elfes noirs et ces fichues drows, alors pas une sylvestre, par pitié ! Elles sont pires que les autres !
Le sourire doux de l’elfe se fit mi-figue-mi-raisin quand son regard se porta sur son interlocuteur :
- Parce qu’elles te rabattent ton caquet de nain superstitieux mieux que les autres, ou juste parce que tu ne supportes pas les personnes plus intelligentes que toi ?
- Comme qui, mademoiselle la pimbêche ?
-La liste est longue, railla la combattante : les humains, les elfes, les orcs, les trolls, les drakkaris, les autres nains, les carniens, les aégiens, les ogres, les wulfgars, les faunes, les morts-vivants, les oiseaux, les limaces… Je continue ou tu as compris ?
Thordain la jaugea du regard… Et rit d’un rire fort et clair avant de déclarer :
-Génial, bienvenue dans le groupe !
-Fais attention à ta santé mentale, parce que ce qu’il vient de faire, c’est son humour. Fit remarquer Erwan, Et il carbure à la vanne lourde !
-Je m’y suis habitué, j’ai habité trois mois en ville, on me vannait beaucoup. Je suis une sylvestre donc pour la populace, une sauvageonne.
Thordain tenta d’utiliser la dernière phrase de l’elfe dans une boutade aussi drôle qu’un génocide, heureusement, Erwan prit la parole à temps pour éviter un bide qui aurait coûté la réputation –déjà peu enviable- du nain.
-Je compatis… Oh ! Veuillez m’excuser nous ne nous sommes pas présentés comme il se doit. Mon nom est Erwan Fortelame, et le nain irrespectueux et imbibé, là, Dit-il en désignant d’un signe de tête son compagnon –qui lui lança un regard assassin- s’appelle Thordain Brisefer. Et vous ?
- Moi, c’est Ellana.
- Si cela ne vous dérange pas, j’aimerai rentrer, mon outre est presque vide et j’en ai marre de me les geler dehors !
Le groupe se mit en route vers Tarios. Durant tout le temps du voyage, Erwan ne détacha ses yeux de l’elfe que quelques secondes. Durant une pause, la rôdeuse le remarqua.
-Erwan, demanda Ellana, tu dévores du regard toutes les femmes de la même façon, ou est-ce que je reçois un traitement de faveur ?
Le chevalier devint écarlate et une expression gênée se dessina sur son visage. Il voulut se défendre, ouvra la bouche, se ravisa, la ferma ; puis baissa le regard. De toute évidence, il était totalement désorienté. Ellana, étonnée par la réaction du chevalier, qui, d’apparence, semblait être du même acier que son armure, ricana.
Un hurlement sinistre s’éleva soudainement, en provenance de la forêt. Un hurlement surnaturel, celui d’un démon enragé… ou de plusieurs démons enragés. Thordain se leva, empoigna son maillet avant d’avertir ses compagnons :
-Faites gaffe ! C’est sans doute une fichue troupe de chiens des enfers !
- Ca ne peut pas être des démons, je patrouille dans la forêt depuis ce matin ! S’exclama Ellana.
Les deux hommes se concertèrent du regard, l’air inquiet. Thordain conclut finalement, l’air grave :
- Il y a donc un chef de meute avec eux, et ils se sont téléportés : il y a sûrement une dizaine de chiens avec un Traqueur.
Il demanda en tournant les yeux vers l’elfe :
- Ellana ?
- Oui ? Répondit-elle.
- C’est le moment de prouver ce que tu vaux au combat.
- J’ai la corde de mon arc qui me démange, qu’ils viennent !
Le premier chien sortit d’un buisson, et, rien qu’en le voyant, on pouvait deviner qu’il était la triste œuvre d’une magie démoniaque : des cornes lui poussait sur les tempes, sa peau avait été arrachée, comme celle de tous les démons et ses muscles était à nus, rouges et meurtris, sa bouche comportait deux terribles rangées de dents, chacun de ses crocs étant affuté comme une lame de rasoir et effilé comme un poignard, ce molosse tout de muscles et de rage, renforçait encore son impression de sauvagerie sans limite par des excroissances osseuses sur les vertèbres et des ergots lui terminant les pattes. Cette machine à tuer n’était de plus pas seule, car après un court laps de temps, deux de ses congénères sortirent des buissons. Ellana banda son arc et décocha trois traits à une vitesse faramineuse, le premier des molosses s’effondra, touché en pleine tête, tandis que le second fut gravement à la patte. La troisième flèche décochée par l’elfe effleura le jarret du premier chien et alla se perdre dans la végétation… d’où un mugissement de douleur s’éleva… et d’où un démon blessé au genou et deux chiens émergèrent. Ce fut au tour des deux guerriers de s’élança à corps perdu dans le combat.
-Je me charge des chiens ! Ordonna Erwan à Thordain, Toi, occupe-toi du démon.
-Par la rancune naine… Cria le nain
-…Et par le sang de mes aïeuls… Renchérit Erwan
-… A l’attaque !!! Terminèrent-ils en chœur
Erwan s’arrêta à quelques dizaines de mètres de chiens, prêt à frapper. Le molosse le plus proche bondit sur le chevalier, qui lui assena un direct dans la truffe, le chien infernal s’écrasa sur le sol, hors combat. Il fonça sur sa prochaine victime et la trancha en deux d’un revers de sa lame. Un autre cabot tenta de lui mordre le mollet, mais son ardeur fut stoppée par une flèche entre les deux yeux. Erwan donna un grand coup de pied dans la tête de son dernier agresseur, son sang tacha le sol tandis que sa cervelle rose s’échappa des fissures de son crâne. Une salve de flèches s’abattit sur les survivants, les six flèches, porteuses de mort à la vitesse incomparable, se plantèrent toutes dans la chair des molosses infernaux, qui s’écroulèrent, vaincus par la pluie de projectiles acérés. Les chiens avaient été balayés en moins de deux minutes. Ellana était sans nul doute une archère au talent immense.
Thordain chargea le traqueur en psalmodiant une incantation. Le démon hurla et se jeta sur lui, n’importe quel autre homme aurait tourné les talons face à cette monstruosité écorchée et dotée d’une force herculéenne, aux cornes dépassant des tempes et au hurlement si terrifiant. N’importe quel homme l’aurait supplié de bien vouloir l’épargner, n’importe quel homme. Mais pas Thordain. Jamais un paladin, un guerrier de la lumière, n’aurait fui devant un démon, car tel était leur devoir : Détruire la corruption, le mal et la vermine. « Protéger et servir » n’est pas leur devise, mais bien « Tuer les démons et leurs sbires ». Alors que les deux combattants allaient se percuter, entamant le combat, Thordain hurla :
- Vade Retro !
Le démon s’immobilisa instantanément, suspendu en plein saut, comme si le temps s’était figé. Le paladin en profita pour le liquider, il sauta, brandissant son maillet au-dessus de sa tête, puis l’abattit sur celle du démon, qui fut oblitérée par le coup de marteau. Le sang coulait à flot du crâne fracassé et le cerveau du démon gicla allégrement, tachant l’armure argentée du paladin. Il se retourna, un grand sourire aux lèvres et retourna vers ses compagnons, marchant sur les cadavres sans leur accorder le moindre regard.
-Belle baston, non ? Demanda Thordain, tout guilleret.
Ses compagnons acquiescèrent.
-T’est plutôt bonne à l’arc, finalement. Complimenta Erwan.
-J’ai usé du minimum de mes compétences, si je les avais utilisées pleinement, ils auraient tous été balayés avant le début du corps-à-corps!
-C’est ce qu’on dit ! Railla le nain.
Une flèche siffla aux oreilles de Thordain, qui s’indigna :
-T’aurait pu me tuer, cette flèche est passée à un poil de ma tête !
- Quand je te dis que je suis passée maître dans l’art du tir à l’arc. Dit Ellana, un sourire carnassier aux lèvres.
Ils reprirent la route vers la ville, comme si l’incident n’avait pas eu lieu. Le chemin fut calme et sans encombre, l’air frais du printemps leur donnait une énergie impérissable et un moral d’acier.
Ils arrivèrent bientôt devant les murailles de Tarcios et voulurent passer le pont qui surplombait la rivière. Ils furent stoppés par un homme obèse au visage patibulaire habillé d’une tunique – relativement- blanche et d’un tablier de cuir, un couteau de boucher à la ceinture. Il leur barra le passage et dit d’une voix bourrue :
- Si vous voulez passer, il faut payer !
Le visage de Thordain se renfrogna, Erwan poussa un soupir d’agacement tandis que les traits d’Ellana se durcirent.
- Combien ? demanda le chevalier.
- Vingt pour toi, vingt-cinq pour le nain et… heu… quarante pour l’elfe.
-Quoi ?! Quatre-vingt-cinq pour nous tous ?! C’est de l’arnaque ! S’exclama le Thordain.
Ellana ignora le voleur et voulu passer. L’homme la saisit mollement par le bras pour l’empêcher de passer
- Ça vaut aussi pour toi, ma mignonne. Dit-il avec un sourire malsain.
- T’a posé la main sur moi ? Demanda l’elfe avec une voix de colère contenue.
- Ouais et…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, Ellana lui saisit le poignet et le lui cassa. Le mécréant hurla de douleur. L’elfe n’eut aucune pitié, elle lui assena un violent coup dans l’appareil génital, qui le fit se plier en deux, et mit fin à la correction en lui saisissant le crâne, pour l’abattre sur son genou avec le bruit affreux du cartilage se brisant sous un puissant choc. Ses compagnons la regardaient, pétrifiés, partagés entre ne rien dire, la complimenter ou, au contraire, la réprimander. Ils choisirent la première solution. Ellana leur fit signe de s’avancer. En passant, elle crachat au visage de l’homme encore en train de se rouler par terre, la bouche grande ouverte, du sang dégoulinant de son nez cassé, humilié –et dont les servantes dormiraient tranquille pendant quelque temps-. Les gardes impériaux s’écartèrent devant eux, avec en eux un sentiment mêlé de respect et de peur.
Les aventuriers avancèrent dans la grande avenue où se trouvait l’auberge dans laquelle Erwan et Thordain avaient pris une chambre. C’était le jour du marché, des marchands discutaient de la pluie et du beau temps avec des clients tandis que des colporteurs bonimentaient sur leurs produits, vantant les qualités –plus ou moins réelles- de leurs marchandises. Une odeur agréable et forte flottait dans l’air, cela sentait les épices, la charcuterie, la viande cuisant à la braise, le délicat parfum émanant d’un bouquet de fleurs. Les couleurs chatoyantes et variées des articles déposés sur les étals rajoutaient une dimension visuelle à l’impression de diversité émanant du marché. Erwan et ses compagnons traversèrent l’avenue sans s’arrêter pour admirer les étals. Les gens regardaient Ellana d’un œil inquisiteur, comme des passants regarderaient un singe, comme si l’elfe était une bête curieuse.
- Ils ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, expliqua l’archère d’une voix découragée, on attribue beaucoup de choses aux elfes sylvains, pas que de belles choses, et peu de choses ayant une partie de vérité.
- J’ai aussi connu cela, déclara Erwan, les paysans nous prenaient, moi et ma troupe, pour des maraudeurs. Les gens étaient terrorisés et crachaient dans notre dos. Je sais donc ce que tu ressens quand la populace médit sur toi.
Ils arrivèrent enfin à l’auberge et entrèrent. Réputée pour sa bière chaude et surtout pour son cocktail Apocalypse, Le Repos du Voyageur était un établissement convivial, au personnel sympathique et au patron attachant, un de ses petits commerces pouvant se vanter d’être une vraie entreprise familiale. A l’inverse d’autres auberges –trop nombreuses-, les lits n’étaient pas constitués d’une paillasse infestée de puces et d’une couette miteuse, mais de vrais lits en bois avec des matelas douillets, des draps soyeux et une couverture chaude et douce, avec ce qu’il faut d’hygiène et d’ameublement. De plus, les repas y étaient là-bas excellents et il n’était pas rare que des personnes aillent au Repos du Voyageur uniquement pour sa gastronomie. La salle était constituée d’une gigantesque pièce remplie de chaises et de tables, avec une grande cheminée et un comptoir. Les tabourets et le bar étaient légèrement surélevés par rapport au reste de la salle, derrière le bar en question se trouvait la cuisine, d’où s’élevait un délicieux fumet.
-Erwan ! Te voilà ! Je désespérais de te voir aujourd’hui ! Lança le tavernier.
-Je n’allais pas dormir dans ma tente en pleine forêt en sachant qu’un bon lit et un repas m’attendait au Repos du voyageur ! Répondit Erwan avant de prendre dans ses bras son interlocuteur. Ellana, je te présente Main-de-Soufre, patron et barman de cette magnifique taverne !
L’homme semblait être un jeune adulte, de tout au plus vingt-sept ans, le visage bien rouge, un nez presque aquilin trônant sur son visage, tandis que ses deux yeux marron où semblaient danser de petites flammèches accentuaient son aspect jovial. Ses cheveux mi- longs d’un roux sombre mélangé au marron étaient, même si bien entretenus, coupés inégalement, et lui donnait un petit air de combattant. Sa barbe complète était cependant fine, et le tavernier semblait y porter un soin tout particulier. Son regard chaleureux ne cachait cependant pas la nature de son humour favori, mis au grand jour par son visage moqueur : le sarcasme. Mais au vu d’un tel homme, sûrement sympathique et bienveillant, on pouvait passer à côté de ce détail minime. Il arborait une tunique rouge dont les manches s’arrêtant aux coudes laissaient voir une partie de ses avant-bras : Musclés. Pas autant que ceux du chevalier –d’ailleurs, quel humain peut-il espérer égaler la musculature d’un chevalier impérial ?- Mais sa stature ne semblait pas être due au travail, mais à quoi sinon ? Aucune importance. Le sentiment qui émanait de Main-de-Soufre était sans conteste l’assurance. Une personnalité forte pour un homme charismatique.
-Et moi alors, je compte pour du beurre ? Dit Thordain avec un air feignant ironiquement l’indignation.
Main-de-Soufre salua Ellana avec un air amical avant de s’adresser à Thordain qui s’était avancé. Le nain lui adressa une bourrade à l’épaule à laquelle le barman répondit par la même façon. Puis il s’adressa au chef du trio :
-Votre chambre est toute prête, par contre il n’y a que deux lits, et vu que toi et Thordain ne…
-On va plutôt prendre une deuxième chambre. Le coupa Erwan
-Pourquoi, suis-je laide à ce point ? Demanda Ironiquement Ellana
-Tu… non… enfin…. Nous ne… tu… Balbutia le chevalier, rouge comme une tomate trop mûre et totalement désemparé par sa situation.
- Oui, tu l’est, et pas qu’un peu ! Railla Thordain.
L’elfe demanda, en feignant la colère :
-Vous avez jamais eu envie de faire la peau à ce nain impertinent ?
- Mes rêves sont essentiellement constitués de sa cervelle grillant sous mes sorts… Dit Main-De-Souffre, l’air blasé.
-Un autre vin chaud, siouplé. Demanda un milicien prenant sa pause.
- Le devoir m’appelle ! Vos chambres sont les 15 et 16. Dit le patron en leur donnant les clés des suites.
Et il s’en alla servir le gardien de la paix. Les compagnons allèrent déposer leur barda dans leurs chambres, puis descendirent pour s’installer au comptoir et prendre un repas. Ellana demanda deux cuisses de poulet marinées, Erwan, lui commanda une entrecôte bien cuite tandis que Thordain, le moins raisonnable des trois –normal pour un nain- exigeât un sanglier farci avec du choux, des patates et des carottes, ainsi qu’un plein tonneau d’hydromel. Si l’elfe et l’humain tenaient à ne pas s’en mettre partout, le nain, lui, dévorait son repas comme le porc qu’il mangeait, la graisse enduit ses mains tandis que l’hydromel lui trempait la barbe, l’armure et le comptoir. Ses compagnons repoussèrent leurs assiettes, dégoutés.
-Il mange toujours comme ça ? Demanda Ellana, écœurée.
-Oh non ! lui répondit Erwan, l’air blasé. Là il n’a pas vraiment faim…
-Et il est comment quand il est affamé ?
-Au mieux ? Répugnant.
-Et au pire ?
-Gerbant…
- Ça fait du bien par où sa passe ! S’exclama le nain une fois son œuvre de dévorement à moitié accomplie.
-C’est ce que je me dis à chaque fois que j’épingle un ennemi. Ironisa Ellana.
-Pimbêche, arrogante, idiote et en plus sadique… Se désola Thordain.
-Thordain ? Demanda le chevalier.
-Oui ? Répondit le nain encore en train de mâcher une pleine cuillère de choux.
-La ferme.
Le paladin obéit et se tût, non sans quelques grognements de désapprobation. Les aventuriers passèrent quelques temps au comptoir pour discuter –et descendre quelques chopines de bière-, puis allèrent se coucher. La nuit leur fut douce et calme, bercés par les chansons et éclats de rire venant du comptoir, la chaleur réconfortante d’une couette et le confort d’un lit bordé à la perfection ainsi que celui d’un matelas ni trop dur, ni trop mou, leur assurèrent un sommeil profond et décontractant.
Erwan se réveilla avec un grand bâillement, il s’étira et se leva de son lit. Pas de doute, le Repos du Voyageur portait bien son nom, une nuit dans le lit douillet de l’auberge l’avait autant revigoré qu’un mois de sommeil dans son duvet de mercenaire ! Thordain dormait comme un bébé… ou plutôt comme un ogre ! Après sa cuite de la veille, il ronflait comme un vieux moteur et grognait des paroles –si c’en était- complètement inintelligible. Le laissant à son sommeil, il s ‘habilla pour descendre dans la grande salle, quand quelqu’un toqua à la porte, il alla ouvrir : personne.
-Service d’étage ! Cria une voix aigüe et aux sonorités faisant penser aux lutins.
Erwan sursauta et baissa le regard…et constata qu’un petit gobelin habillé d’un uniforme de serveur se tenait devant lui. Il portait un petit plateau où trônaient une théière, une tasse, des tartines grillées à point, du lard cuit au fumet délicieux, une baratte de beurre, un pot de miel et de la gelée de pommes. Main de souffre avait bonne mémoire : Tout les ingrédients formant son petit déjeuner favori étaient réunis sur un plateau. Il se mit à la hauteur du gobelin et lui adressa une petite bourrade à l’épaule
- Salut Stink, qu’est-ce que tu deviens ?
- Serveuse… Répondit le petit peau-verte avec un air de chien battu.
Erwan éclata de rire avant de prendre le plateau
-Garde le moral, dit-il au gobelin, garde le moral…
Il entra dans la chambre et ferma la porte. Puis entama le repas… La mauvaise nouvelle, c’est que Thordain sentit le repas…
-Manger…
-Non, non, mon gars, c’est juste un petit déjeuner pour moi, t’aimerait pas : il y a du thé !
- Tartine…
-Pain au thé.
-Bacon…
Le chevalier s’empressa de plonger son morceau de viande dans sa boisson, avant de terminer :
-Trempé dans le thé.
Le nain émit une longue plainte, avant de se remettre à ronfler
Il dégusta son repas –délicieux- : le lard était grillé au poil et ne souffrait d’aucune parcelle de gras, le thé –jaune- provenait des terres elfes : son thé préféré. Le pain, lui était croustillant et gouteux, un de ses pains s’accordant avec tout. Avant de s’en rendre compte, il avait mangé toutes les tartines sans avoir touché à la confiture. La mangeant à la cuillère, il se mit à réfléchir à leur mission : Où trouver le liquide ? Comment le chercher ? Une fois trouvé, qu’en faire ? Et si jamais ils n’y parvenaient pas ? Le gout sucré de la gelée de pommes le tira de ses noires interrogations. Une fois le pot fini, il alla dans la salle, il constata qu’Ellana était déjà levée, équipée et semblait attendre les deux hommes.
-Il cuve encore le nain ? Demanda-t-elle avec un sourire en coin.
-Ouais ! Il est totalement dans le coma ! Répondit Erwan.
- Ca ne m’étonne qu’à moitié, il s’est encore repris trois tonneaux d’hydromel après que vous soyez partis vous coucher. Il était ivre mort ! Dit le barman
Le chevalier complimenta chaleureusement le patron pour le petit déjeuner avant de s’assoir à côté de l’elfe.
- Dit voir, Main-de-Soufre, c’est comment une tenir une auberge ? Demanda Erwan.
- C’est relaxant, on n’a pas trop de soucis à se faire. Ce n’est pas comme si on avait des taxes sur tout et n’importe quoi ! Non, franchement, c’est un bon métier. Et puis, ça à deux-trois avantages, si tu vois ce que je veux dire…
- De l’herbe de Shel et des conquêtes d’un soir… Dit le chevalier en bougeant la tête dans un signe de négation. T’as pas changé…
Main-de-Soufre acquiesça en riant. C’était en effet un coureur de jupons et un fumeur d’herbes illicites invétéré, pour l’un comme pour l’autre ! Un bruit de dégringolade s’éleva de la chambre quinze, suivit d’un énorme juron en nain. Les trois compères éclatèrent de rire en devinant l’état de Thordain
-Stink, tu peux apporter le petit déjeuner pour notre ami le nain, je pense qu’il est réveillé !
-Pourquoi, est-ce que j’écope systématiquement des missions suicide…
Erwan regarda s’en aller le gobelin avec le plateau.
-Il à l’air dépressif.
-Il est comme ça depuis qu’on lui a dit de plus utiliser de la dynamite dans l’auberge…
Car en effet, Stink n’était pas le vrai nom du gobelin, mais un surnom qu’il s’était donné en tant qu’artificier d’un groupe d’aventurier formé d’Erwan, Thordain, Main-de-soufre et lui-même. Certains adoraient le feu et étaient pyromanes, d’autres comme lui, adoraient les explosions et étaient des « Kaboomanes » comme il aimait le dire. Le petit gobelin leur avait sauvé la mise plus d’une fois, que ce soit en faisant sauter un paquet d’ennemis coriaces ou en explosant un mur ou un éboulement, l’artificier était passé maître dans l’art d’utiliser les explosifs.
-Au fait, demanda Ellana à Erwan, j’aurais pu le demander plus tôt, mais, pourquoi mon beau-père voulait-il me voir ?
-En fait, nous sommes en mission pour lui. Il existe un liquide capable de rendre surpuissant quiconque en boit, ne serait-ce qu’une gorgée. Votre bel-oncle en a besoin pour une expérimentation. Mais il se trouve que la mission est très risquée, il nous faudra aller dans des coins reculées et dangereux pour aller chercher le fluide en question. Il nous a parlé de vous et de vos talents d’archère, et nous a dit où vous trouver. Votre beau-père nous a dit que, au contraire de nos précédentes missions, seuls, moi et Thordain ne pourrions remplir cette quête. Donc il nous a conseillé d’aller chercher de l’aide là où nous pourrions en trouver.
-Il s’emmerde pas dis-donc, s’emporta Ellana, même pas prévenue, même pas demandé mon avis, bonjour la courtoisie !
-Vous savez, vous n’êtes pas obligés de venir, c’est juste une proposition ! Dit Erwan qui regrettait déjà de lui avoir proposé de l’abandonner.
-Non, je vais venir, dit l’elfe avec un grand sourire, cela ferait trop plaisir au nain de savoir que je vous laisse, et puis… elle posa main sur l’épaule du chevalier et s’approcha jusqu’à son oreille pour pouvoir lui susurrer avec la voix la plus sensuelle possible… j’adore te faire perdre tes moyens…
Elle recula doucement. Erwan était spirituellement entre la vie et la mort : il allait mourir d’excitation et de désir. Cet instant presque magique entre Ellana et lui –ou plutôt son fantasme- fut brisé –une fois de plus- par un Thordain bruyant, qui dévala comme une furie les marches de l’escalier avec un bruit assourdissant, il fonça vers le comptoir sauta sur un tabouret qui failli céder son poids et sous celui du harnois qu’il avait enfilé. Il vociféra à Main-de-Souffre :
-Un truc qui dessoule ! Vite !
- Lait de griffon ?
- Un truc qui dessoule, j’ai dit, pas un truc qui assomme les Krözh !
- Sang de Vouivre ?
- Plus fort !
- Cocktail Apocalypse ? Tu veux mourir ou quoi ?
- Envoie-moi ça !
Le lait de griffon et le sang de vouivre sont respectivement l’alcool le plus fort et la boisson énergisante alcoolisée la plus efficace sur le marché ! Un cocktail apocalypse –surnommé ainsi pour l’impression donnée quelques secondes après l’absorption- mélange du piment arrache-langue homme-tigre, du citron bleu et du Sang de vouivre avec un soupçon de lait de griffon, il est réputé pour plonger dans le coma éthylique quelqu’un n’y étant pas habitué, mais une fois bu –si vous y survivez- vous aurez de l’énergie pour faire un kilomètre en sprintant ! Main-de-Souffre prépara avec attention la boisson…
- Tu la veux chaude ?
-Porte moi-ça à ébullition !
Le barman posa ses mains sur le shaker en céramique, au bout de quelques secondes, on entendit un bouillonnement. Ellana fut intriguée mais ne posa pas de questions, comme si la préparation de ce cocktail requérait calme et concentration.
- Fait attention, pas cul sec, ça pourrait te tuer.
Il servi Thordain… qui but la boisson d’un trait ! Il devint rouge comme du sang, ses joues se gonflait et ses dégonflaient comme des bajoues de hamster, un fin filet de fumée sorti de sa bouche –sûrement un morceau de lard supportant mal le cocktail-, ses yeux gonflèrent comme des ballons de baudruche, il respirait à grand-peine et se mit à taper du poing contre le comptoir, il toussa longtemps et fortement sous les regards inquiétés de ses camarades, ceux intrigués des clients et celui, blasé, du barman. Il releva la tête, se tourna vers ses camarades et dit avec une rapidité incroyable :
-Quand c’est que où qu’on y va ?
Thordain fonça dans sa chambre, prépara son barda, et sortit en courant de l’auberge. Il fonça dans la rue, hurlant comme un fou. Erwan et Ellana tentèrent de le rattraper, bientôt suivi du patron. Thordain sortit de la ville en un rien de temps, bouscula la foule, passa la douane sans même s’arrêter et se mit à courir sans but dans la cambrousse, ses amis sur les talons, à une douzaine de mètres derrière. Il défonça une cabane à outils, passant à travers comme à travers du papier journal… et s’effondra quelques mètres plus loin. Les trois compères se penchèrent au-dessus de sa carcasse. Thordain regarda Main-de-Souffre, avant de dire, les yeux écarquillés et la bouche en cul de poule :
-Ouah ! Sa dessoule dis-donc !
Stink arriva peu de temps après avec les affaires des aventuriers.
-Merci Stink, dit Erwan, c’est sympa de nous ramener notre équipement… mais… pourquoi y’ a-t-il trois paquet ? Thordain a déjà son paquetage !
C’est Main-de-Souffre qui lui répondit :
-J’avais demandé à notre ami le gobelin de préparer mon équipement, j’ai entendu l’objectif de ta venue à Tercios. J’ai même été légèrement frustré que vous ne m’ayez pas demandé mon aide !
Erwan se remémora les combats passés avec Main-de-Souffre à ses côtés, le plus mémorable restait celui contre les skavens dans la vieille mine abandonnée :
« Ils avançaient sur le qui-vive, ayant déjà croisé quelques hommes-rats. La pénombre environnante était seulement troublée par les torches des aventuriers. Ci de là, une goutte d’eau tombait, s’écrasant sur le sol avec un bruit augmenté jusqu’à en devenir stressant par l’acoustique particulière des galeries souterraines, un rat se pressait sur le sol en criant, un chef skaven et sa troupe de combattants fonçait à la rencontre du trio avec… Des skavens ?
Un chef Skaven, une trentaine de guerriers des clans, une quinzaine de coureurs des profondeurs, quelques jezzails, une escouade de globadiers, deux pourrisseurs, une dizaine de vermines de choc et un maudit garde Skaven.
Les guerriers de clans ne poseraient pas un réel problème, bien gérés ils devenaient juste une bande de rats dégénérés et bardés de fer. Les Jezzails allaient être plus difficiles à vaincre, ses arquebusiers skavens allaient en effet être d’un grand secours contre les trois guerriers. Les coureurs s’étaient ramenés, seuls, ils sont faibles comme des gobelins, en grand nombre, ils deviennent plutôt embarrassants… enfin…Ils deviennent des plaies. Cela commençait à devenir sérieux avec les toxiques: armés de couteaux et de globes de verre remplis de gaz toxique, ils étaient le cauchemar de tout combattant –sachant qu’un globe entier de gaz suffit à vous liquéfier les poumons-, même la meilleure armure ne peux rien contre du gaz, insidieux, mortel et instoppable. Les vermines de choc, infanterie d’élite des skavens, s’annonçait être les plus difficiles à vaincre après les pourrisseurs, le garde et le chef. Equipés d’armures lourdes et de bardiches, ils devenaient puissants par le nombre, et le nombre, les skavens n’en manquent pas. Les pourrisseurs allaient poser l’un des plus gros soucis au trio : ses skavens rongés par la maladie, vénérant la corruption charnelle et utilisent leur pestilence et leur infection pour se battre, ils allaient à coups sûr pourrir la vie des guerriers ! Sachant que la moindre blessure infligée de leur main gangrène instantanément, et, dans le pire des cas, pourrit ! Le garde représentait un challenge ardu : Il s’agit d’un skaven géant –mutation bâtarde entre un ogre et un rat- équipé d’une armure et d’une hallebarde si énorme et lourde que deux orcs ne parviendraient même pas à soulever. Un coup de sa part, et c’est la mort assurée ! Le chef skaven était grand, fort et charismatique. Il endossait une armure de plates rudimentaire sur laquelle était plantée la bannière des Goreglingers, le clan skaven du Sud de l’Empire, armé d’un long tranchoir et d’une épaisse chaîne de fer, il semblait pouvoir massacrer n’importe quel ennemi.
Qui n’aurait pas fui devant la horde déchaînée se tenant devant les trois guerriers ? Pas eux en tout cas.
Qui n’aurait pas vainement imploré la pitié des skavens ? Surement pas les trois mercenaires.
Qui aurait combattu sans espoir cette armée de monstres poilus et avides de sang ? Eux, sans doutes et sans craintes.
Ils s’élancèrent, chargeant un ennemi plus nombreux et plus fort, ils hurlèrent un cri de guerre et confortèrent leur marche. Les skavens répondirent par un long hurlement avant de foncer. Les rangs skavens furent frappés de plein fouet par une énorme boule de feu qui s’écrasa sur leur première ligne, tuant une dizaine d’ennemis, plus que vingt guerriers des clans.
Erwan fonça, il décapita un skaven, en trancha un autre en deux, en bouscula puis piétina un autre, empala deux ennemis sur sa claymore, tourbillonna, son épée devant lui, pour créer un flot de sang qui le trempa entièrement et inonda le sol… sept… sept ennemis étaient morts dans l’exécution de sa mortelle technique. Un skaven lui sauta sur le dos pour le stopper, le chevalier le saisit et le fit passer au-dessus de sa tête et l’abattit sur le sol, puis lui écrasa la tête sous sa botte, la –petite- cervelle du skaven giclant par les fentes de son crâne broyé. Il poursuivit sa terrible œuvre sans broncher, instoppable, tranchant, parant, écrasant, tuant. Trois ennemis lui foncèrent dessus en hurlant, le premier fut repoussé par un coup de botte dans le ventre, le second fut décapité par la lame du chevalier et le dernier le dernier reçu un petit globe de feu dans le visage, tué sur le coup, puis Erwan finit la besogne qu’il avait commencée en empalant le dos du skaven. Il poursuivi le carnage, ses ennemis fauchés par sa claymore comme le blé l’est par la faux. Les skavens survivants se jetèrent tous sur lui en même temps et tandis que trois étaient découpés par un coup de taille, les trois autres furent instantanément carbonisés. Erwan adressa un salut militaire à Main-de-Souffre, qui lui répondit de la même façon, avant de le rejoindre.
Thordain, pendant ce temps s’était retrouvé face aux deux pourrisseurs, lui qui pouvait se soigner car étant paladin, s’était une aubaine pour lui ! Cependant, le nain n’eut même pas l’occasion d’utiliser sa prodigieuse magie. Il arracha d’un coup de maillet les deux jambes d’un pourrisseur puis lui écrasa le crâne. Le second pourrisseur se jeta sur lui et tenta de lui arracher les yeux, il répondit en le saisissant à l’arrière de la tête et l’écrasant contre son front, le cerveau et le liquide cérébral infecté du skaven, mélangé à un sang ou nageaient des petites boules noires, lui trempant le visage. Les pourrisseurs qui auraient été imbattables pour n’importe quel autre combattant, avaient été massacrés en moins de deux minutes.
- Tu voulais ma tête ? Tu l’as eu !
Main-de-Souffre se retrouva face aux vermines de choc, il esquiva un coup de bardiche et tira sur le manche de l’arme pour amener à lui le guerrier… qu’il empala sur sa lame. Un autre tenta de le trancher en deux, il s’embrasa une seconde puis s’effondra en un tas de cendres. Le pyromancien entonna une incantation, puis se mit à genou –ce qui le sauva d’une décapitation- pour planter son épée dans le sol, une large vague de feu en jaillit en une grande ligne droite, les quatre skavens situés sur cette ligne se trouvèrent projetés avec une force inouïe et prirent feu, il s’assommèrent lors de leur chute, hors-combat –et surement carbonisés dans quelques minutes - Les quatre combattants restant se concertèrent du regard puis s’élancèrent sur leur adversaire en hurlant. Le premier d’entre eux fut transpercé par l’épée du guerrier, le second tomba en cendre, le troisième eu la tête brûlée par une la main incandescente du pyromancien, le dernier failli le tuer… failli : Main-de-Souffre para le coup, une déflagration de feu frappa alors, et le skaven s’effondra, le torse ainsi que le visage brûlés au troisième degré.
- Merci le bouclier de flammes. Déclara Main-de-Souffre, avec une expression sadique.
Erwan, Thordain et Main-de-Souffre, trio mortel.
-Je m’occupe du garde ! Déclara le chevalier
-Les ratleurs vont maudire le jour de leur naissance ! Ricana Thordain
-Les toxiques vont s’en brûler les doigts ! Dit Main-de souffre, un sourire carnassier aux lèvres.
Main-de-souffre sprinta vers les globadiers, sachant qu’il avait peu de temps avant qu’ils ne lancent leurs mortels projectiles. Il fit pleuvoir les sorts : avant même d’arriver au contact, trois ennemis s’effondraient, il parvint au corps-à -corps et décapita l’un des deniers globadiers, mais le survivant brisa le globe sur la tête du pyromancien… qui commença à suffoquer. Il eut tout juste le temps de tuer le derniers globadiers avant de tomber à genoux. Le mage rampa difficilement hors du nuage et s’arrêta, cloué au sol par la douleur intense qu’il ressentait à la poitrine.
Thordain chargea les skavens, il était à mi-chemin quand un cri de skaven retentit :
- Ratleurs !
-Oh non ! Désespéra le nain
Les huit tireurs firent feu, les munitions explosèrent au contact de l’armure du paladin. Celui-ci accusa le coup : il fut blessé au plexus et à la jambe, mais, ignorant la douleur, il courut avec une ardeur décuplée. Il frappa sans pitié les skavens, dont un avait déjà été piétiné et un autre jeté en l’air par le choc de la charge, il abattit son maillet sur les têtes et les os, massacrant ses ennemis. Au bout de deux ou trois minutes, il ne restait des skavens qu’un tas d’os broyés et de chair malmenée.
Erwan faisait pâle figure face au rat-ogre : la créature devait peser au moins un quintal et mesurer trois mètres de haut ! Proportions phénoménales qui laissaient pourtant de glace le chevalier, il plongea au sol pour éviter un coup qui aurait tué un éléphant sur le coup, puis se releva, esquivant ainsi le pied du monstre. Le rat-ogre le saisit de sa main libre, puis resserra son étreinte pour le broyer. Erwan planta sa lame dans la main du monstre, qui le lâcha avec un mugissement plaintif. Il roula au sol pour éviter un fulgurant estoc et se releva aussi rapidement que possible. Il passa derrière les jambes du monstre et lui trancha le tendon d’Achille droit. Le Garde mugit de douleur et voulut se retourner, mais son pied, devenu incontrôlable, l’en empêcha et il ne dût qu’a à sa bardiche plantée dans le sol de ne pas tomber. Erwan profita de ce laps de temps pour lui assener un second coup d’épée, le ligament du pied gauche fut sectionné net. Le monstre s’écroula, encore en vie, mais déséquilibré. Le chevalier lui monta sur le torse et lui planta son épée entre les deux yeux. Comment est-ce qu’un humain de un mètre quatre-vingt et pesant quatre-vingt-quinze kilos sans son armure, avait-il pu vaincre une telle abomination aussi facilement. Cela semblait irréalisable. Pas si l’humain se nommait Erwan, et pas si il était un ancien chevalier impérial.
-Fini ? Demanda Thordain.
-Fini. Répondit Erwan. Et toi Main-De-Souffre ?
Pas de réponse
-Main-de-Souffre ? Répéta le paladin, inquiété.
Il l’aperçut, étendu sur le dos, toussant et crachant des glaires sanglantes à profusion.
-Merde ! Ils ne l’ont pas loupé! S’exclama Thordain.
- Soigne-le ! Lui dit son camarade. Moi je vais…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase, il fut happé par une chaîne de fer. Spirale parfaite, obtenue après des années de pratique sur la même arme, elle l’entrava totalement, ne lui laissant presque aucune chance de s’en sortir. Il fut tiré par… Le chef Skaven. Entouré par ses quinze coureurs des profondeurs.
-Erwan !
-T’occupes pas de moi ! Soigne-le, et grouille!
Déchiré entre Main-de-Souffre et Erwan, le paladin décida d’exaucer les –dernières- volontés du chevalier, il s’empressa de soigner Main-de-Souffre grâce à ses pouvoirs de paladin.
Erwan tenta de se relever, mais il était totalement entravé, incapable du moindre mouvement. Le chef leva sa lame, prêt à achever son ennemi… Quand le métal du manche de son arme se mit à chauffer, lui brûlant la main. La dextre se mit à fumer sous la chaleur infernale du métal. Il hurla comme un damné et lâcha son arme, puis ce fut toute son armure qui chauffa à blanc. La paume de sa main et sa peau brulée au second degré, il tomba à genoux, fou de douleur. Le chevalier en profita pour sortir de l’étau, juste à temps car les coureurs se jetaient sur lui. Il para un coup de sabre et contre-attaqua, il décapita un ennemi, provoquant un flot de sang qui aspergea allègrement les protagonistes dans les environs, avant de se baisser pour éviter un coup à la tête pour porter un uppercut sur un Skaven dont la mâchoire vola en éclats, puis se releva pour empaler un autre adversaire. Profitant de cet instant, un coureur lui enfonça sa lame dans le flanc, suffisamment pour percer son armure et faire couler abondamment son sang, le chevalier contre-attaqua en lui tranchant la tête. Il envoya un coup de heaume dans le nez d’un Skaven puis avança pour trancher en deux un autre homme-rat. Il ne vit pas arriver un des coureurs, qui bondit sur lui et lui planta ses lames dans les omoplates. Le skaven voulut l’achever, mais, au moment où la lame allait atteindre le chevalier, l’homme-rat tomba en cendres ainsi que trois de ses camarades. L’instant d’après, une explosion se produisit au cœur même des rangs de coureurs, réduisant en charpie trois des cinq skavens survivants. L’un des deux derniers coureurs s’effondra, frappé dans le dos par la lame du pyromancien, tandis que dernier tentait d’éteindre le feu qui brûlait sa chair et ses habits. Main-de-Souffre était arrivé juste à temps, salvateur pour le guerrier en armure. Le chef se relevait juste à ce moment, le skaven fonça sur le pyromancien mais fut jeté à terre par la charge furieuse de Thordain. Il tenta de se relever, mais le marteau du nain, lui écrasant la tête, l’en empêcha.
-Adieu les rats… Lâcha Main-de-Souffre, un sourire féroce aux lèvres.»